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[Hier, au retour d'un voyage en Alsace...]

Lettre datée du 16 avril 1955

Correspondence

Author

Author André Breton
Person cited Eric Losfeld
Letter to Pierre Molinier

Description

Lettre d'André Breton à Pierre Molinier, datée de Paris, le 16 avril 1955.

Transcription

Paris, le 16 avril 1955

Cher Pierre Molinier,

hier, au retour d’un voyage en Alsace et en Forêt-Noire, j’ai trouvé votre lettre, ainsi que le cahier de poèmes et les reproductions qui l’accompagnaient. Plus distinctes en effet que les précédentes, celles-ci m’ont pleinement confirmée dans mon sentiment initial et procuré, en outre, cette impression de rêve, que j’ai réussi à m’avancer de plusieurs rangs pour pouvoir mieux jouir d’un spectacle captivant. Vous êtes aujourd’hui le maître du vertige, d’un de ces vertiges que Rimbaud s’était donné à tâche de fixer, et peut-être du pire. Les photographies jointes à votre envoi ne laissent, d’ailleurs, aucun doute sur votre aspiration en ce sens et il me paraît difficile de porter le trouble plus loin. Elles sont aussi belles que « scandaleuses », à l’unisson de tout ce que vous m’avez déjà fait entrevoir de votre œuvre. Le cahier de poème et les étonnants dessins qui l’ornent n’en sont pas plus séparables.

En vous écrivant, j’ai sous les yeux « Le Château magique » que vous m’avez fait la trop grande joie de m’offrir (je veux dire que je ne peux me reconnaître assez de titres à ce présent) mais peut-être ai-je été en profondeur assez touché par votre premier envoi pour que s’ouvrît chez moi cette fenêtre bleue qui donne sur l’éperdu. Je ne suis pas près d’en épuiser les ressources et les pouvoirs. Je vous dis donc merci très simplement, mais du fond du coeur.

J’espère que Médium réussira, avant les vacances, à se réveiller de la léthargie actuelle (l’éditeur a eu d’assez grands ennuis). Je le voudrais surtout pour pouvoir en faire les honneurs à la « Femme-Succube ». Je compte bien, en tout cas, que l’exposition tiendra. D’ici là, je serai heureux d’avoir de temps à autre de vos nouvelles. J’admire maintenant, en toute connaissance de cause, ce que vous faites et vous souhaite chaleureusement de vivre comme il vous plaît.

André Breton

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