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1924-10-13
Author
Author Tristan MartinLetter to Ivan Goll
Description
Lettre de Tristan Martin à Ivan Goll, datée d'Aubagne, le 13 octobre 1924.
En octobre 1924, la concurrence autour de la paternité du surréalisme fait encore rage, entre le groupe du 15 rue de Grenelle, Ivan Goll, et Picabia. Si Picabia revendique la paternité du surréalisme, le considérant comme une autre version de Dada et donc comme sa créature, Goll revendique l'héritage d'Apollinaire. Peu avant la publication du Manifeste le 15 octobre 1924, aidé de Picabia et du poète Paul Dermée, il a menée une cabale pour « enlever le surréalisme à Breton » (Lettre d’Yvan Goll à Picabia, 3 octobre 1924, citée par Marguerite Bonnet dans André Breton, Naissance de l’aventure surréaliste, José Corti, 1988, p. 333). Il déclare en août 1924 : « Quoiqu’il en soit, le Surréalisme appartient à tout le monde, et ne sera pas monopolisé. En attendant la Révolution surréaliste, j’ai bien envie de fonder plus simplement une Évolution surréaliste. »
Il publie ainsi sa revue concurrente (qui n'aura qu'un seul numéro) au début du mois d'octobre, Surréalisme ; elle compte dans ses collaborateurs Apollinaire post-mortem, des déçus ou exilés du surréalisme comme Delteil, mais aussi d'autres membres des avant-gardes moins provocateurs (Paul Morand, Pierre-Albert Birot, Delaunay, Reverdy). La revue s'ouvre sur un contre-manifeste. À l'inverse d'une définition scientifique, comme celle de Breton (« surréalisme, n.m. Automatisme psychique. »), Goll propose un emploi très général du mot qui, pour lui, doit simplement désigner le « style de l’époque ». Il va même jusqu'à affirmer, au rebours du groupe de Grenelle, que : « la réalité est la base de tout grand art ».
Guerre de nom, donc, qui fâche grandement Breton : « c’est de mauvaise foi qu’on nous contesterait le droit d’employer le mot SURREALISME dans le sens très particulier où nous l’entendons, car il est clair qu’avant nous ce mot n’avait pas fait fortune. » (Manifeste). C'est que le mot a été inventé par Apollinaire dans sa préface aux Mamelles de Tirésias, avec un sens relativement différent, plutôt romantique, populaire et patriotique :
« Pour caractériser mon drame je me suis servi d’un néologisme qu’on me pardonnera car cela m’arrive rarement et j’ai forgé l’adjectif surréaliste qui ne signifie pas du tout symbolique comme l’a supposé M. Victor Basch, dans son feuilleton dramatique, mais définit assez bien une tendance de l’art qui si elle n’est pas plus nouvelle que tout ce qui se trouve sous le soleil n’a du moins jamais servi à formuler aucun credo, aucune affirmation artistique et littéraire. (...)
Le sujet est si émouvant à mon avis, qu’il permet même que l’on donne au mot drame son sens le plus tragique, mais il tient aux Français que, s’ils se remettent à faire des enfants l’ouvrage puisse être appelé, désormais, une farce. Rien ne saurait me causer une joie aussi patriotique. N’en doutez pas, la réputation dont jouirait justement, si on savait son nom, l’auteur de la Farce de Maistre Pierre Pathelin m’empêche de dormir.
J’ai mieux aimé donner un libre cours à cette fantaisie qui est ma façon d’interpréter la nature, fantaisie, qui selon les jours, se manifeste avec plus ou moins de mélancolie, de satire et de lyrisme, mais toujours, et autant qu’il m’est possible, avec un bon sens où il y a parfois assez de nouveauté pour qu’il puisse choquer et indigner, mais qui apparaîtra aux gens de bonne foi.
Le sujet est si émouvant à mon avis, qu’il permet même que l’on donne au mot drame son sens le plus tragique, mais il tient aux Français que, s’ils se remettent à faire des enfants l’ouvrage puisse être appelé, désormais, une farce. Rien ne saurait me causer une joie aussi patriotique. N’en doutez pas, la réputation dont jouirait justement, si on savait son nom, l’auteur de la Farce de Maistre Pierre Pathelin m’empêche de dormir. (...) J’ai écrit mon drame surréaliste avant tout pour les Français comme Aristophane composait ses comédies pour les Athéniens. Je leur ai signalé le grave danger reconnu de tous qu’il y a pour une nation qui veut être prospère et puissante à ne pas faire d’enfants, et pour y remédier je leur ai indiqué qu’il suffisait d’en faire. »
Le terme est donc réinventé, selon chaque groupe, voire même au sein même du groupe de la rue de Grenelle, entre Aragon, qui écrit Une vague de rêves, et Breton qui donne Le Manifeste. Un article de P. Durant (« Pour une lecture institutinonelle du manifeste du surréalisme », in Mélusine, n°VIII, 1986, p. 177-195), éclaire la situation de ces avant-gardes et précise la spécifité de Breton.
La lettre de Tristan Martin, journaliste au Sémaphore de Marseille, est une autre preuve de cette rivalité : celui-ci confond les deux groupes, au point qu'on en douterait de la sincérité de son désir de rejoindre le mouvement, fût-il de Goll ou de Breton. [Antoine Poisson, Site André Breton, 2021]
Creation date | 13/10/1924 |
Destination address | |
Bibliographical material | Ms, encre bleu sombre - une page, sur papier à en-tête du journal Le sémaphore de Marseille. Enveloppe conservée. |
Languages | French |
Place of origin | |
Number of pages | 1 p. |
Reference | 1394000 |
Keywords | Correspondence, Letter, Reviews and Journals, Surrealist revolution |
Categories | Correspondence, Forwarded Correspondences |
Set | [Journal] La Révolution surréaliste, [Revue] La Révolution surréaliste, 1 |
Permanent link | https://cms.andrebreton.fr/en/work/56600101001659 |