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Description

Lettre d'André Breton à Jacques Doucet, envoyée de Paris le 7 février 1924.

 

Transcription

Paris, le 7 février 1924

Très cher Monsieur,

en effet je n’ai pas encore répondu à Pierre Roché, si bien qu’il m’en eût coûté de le rencontrer chez vous. À vrai dire je ne sais comment lui faire entendre que le poème qu’il m’a envoyé ne peut trouver place dans Littérature, comme je n’ai su très bien m’excuser auprès de Jacques Porel dans les mêmes conditions.

Je suis heureux de ce que vous me dites au sujet du Seurat. Peut‑être maintenant vous sera‑t‑il plus facile de vous entendre avec Félix Fénéon. Le tableau Le Cirque, que j’ai eu l’occasion de revoir désencadré, est vraiment merveilleux et il serait dommage que vous ne puissiez en faire l’acquisition. Je vois très bien cette œuvre, si « à part », en votre possession ; pour moi elle ferme avec éclat le cycle commencé avec Van Gogh et Cézanne et elle est infiniment plus importante qu’elle en a l’air. À part « Le Chahut » pour lequel ma faiblesse est toujours aussi grande, rien de Seurat ne me paraît plus caractéristique, rien ne me paraît unir à un plus haut point l’intérêt artistique et l’intérêt documentaire, historique, au point de vue duquel vous avez coutume de vous placer. Je suis en ce moment tout à Seurat et je ne parle guère d’autre chose : Seurat et Picasso, voilà tout de même à notre époque les grands prospecteurs ; quelle logique dans l’audace de part et d’autre, grâce à eux, à la révolution que respectivement ils ont opérée dans la couleur et dans la forme, que ne peut‑on attendre en peinture du prochain coup de génie !

Des deux ouvrages de Sade que mentionne le catalogue du « Lys rouge », rue de l’Université, le premier seul est intéressant. J’avais eu l’occasion, il y a quelque temps, de vous signaler cette réimpression de « La Philosophie dans le Boudoir » qui a sur les précédentes l’avantage d’être assez bien présentée, sans surcharges inutiles, et de s’ouvrir sur une préface correcte de Louis Perceau, l’auteur, avec Apollinaire et Fleuret, de « L’Enfer de la Bibliothèque nationale». L’exemplaire du catalogue n’est pas cher. Quant à l’autre ouvrage, « Les Amies du Crime », c’est la réimpression d’un conte et, je crois, de fragments divers des œuvres de Sade, sans importance, ornée de figures modernes du plus détestable effet.

Max Ernst me prie de vous montrer quelques‑unes de ses dernières toiles. Pour ne pas le désobliger, je lui ai permis de les déposer rue de Noisiel et, de là, je vous les apporterai, si vous le voulez bien, quand vous m’en exprimerez le désir. J’irai vous voir demain vers cinq heures.

Croyez‑moi, cher Monsieur, votre très affectueux et dévoué

André Breton.

 

Bibliography

André Breton, Lettres à Jacques Doucet, éd. Étienne-Alain Hubert, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 2016, p.171-173.

 

Librairie Gallimard

Creation date07/02/1924
Bibliographical material

Deux pages sur un feuillet 27 × 21 cm à en‑tête imprimé : LITTÉRATURE / 6e année / DIRECTEUR : / ANDRÉ BRETON / 42, Rue Fontaine, PARIS (IXe) / Secrétaire de la rédaction : / MAX MORISE / 24, Avenue de Breteuil, PARIS (VIIe) / Administration : / 24, Avenue de Breteuil, PARIS (VIIe) / Dépositaire général : Librairie Gallimard / 15, Boulevard Raspail, PARIS (VIe). Encre bleue.

LanguagesFrench
Place of origin
Library

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BLJD 7210-42

Size21,00 x 27,00 cm
Number of pages2
Copyright© Aube Breton, Gallimard 2016
Keywords,
CategoriesCorrespondence, Letters from André Breton
Set[Correspondance] Lettres à Jacques Doucet
Permanent linkhttps://cms.andrebreton.fr/en/work/56600101001043
Place of origin