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Imitation de ready made rectifié, une des rares interventions de Duchamp dans le domaine plastique.
Lithographie en couleur avec photographie originale de Marcel Duchamp par Man Ray, sur un support de carton, signée et justifiée en bas vers la gauche : Rrose Selavy MD, Épreuve n° 22 (sur 30)
« C'est au nombre de trente-cinq environ que Marcel Duchamp fixe ses interventions dans le domaine plastique, et encore y comprend-il une série de démarches plus ou moins spontanées qu'une critique insuffisamment avertie se refuserait à homologuer : je pense, par exemple, à l'acte de signer une grande toile décorative, quelconque, dans un restaurant et, d'une manière générale, à ce qui constitue le plus clair (qui pourrait bien être le plus le totalement étincelant) de son activité depuis vingt ans : les diverses spéculations auxquelles l'a entraîné la considération de ces ready made (objets manufacturés promus à la dignité d'objets d'art par le choix de l'artiste) à travers lesquels, de loin en loin, au mépris de tout autre secours, il s'est très orgueilleusement exprimé. Mais qui peut dire de quoi, pour ceux qui savent, se charge une signature dont il a été fait un usage manifeste si parcimonieux! Une lumière intense, fascinante, se répand grâce à elle, non plus sur l'objet étroit qu'en général elle situe, mais sur toute une opération de la vie mentale ...
« C'est, en effet, dès la fin de 1912 qu'il subit la grande crise intellectuelle qui l'amène à renoncer progressivement à cette forme d'expression (il s'agit de la forme d'expression picturale). Celle-ci lui apparaît viciée. L'exercice du dessin et de la peinture lui fait l'effet d'un jeu de dupes : il tend à la glorification stupide de la main et de rien autre. C'est la main la grande coupable, comment accepter d'être l'esclave de sa propre main ? Il est inadmissible que le dessin, la peinture en soient encore aujourd'hui où en était l'écriture avant Gutenberg. La délectation dans la couleur, à base de plaisir olfactif, est aussi misérable que la délectation dans le trait, à base de plaisir manuel. La seule issue, dans ces conditions, est de désapprendre à peindre, à dessiner. Duchamp ne s`en est, depuis lors, jamais dédit ... Pour Duchamp le recours à ces ready-made, à partir de 1914, tend en effet à supplanter tout autre mode d'expression. » André Breton, Le surréalisme et la peinture, Nouvelle édition revue et corrigée, 1928-1965, Paris, Gallimard, 1965, rep.p. 91, p. 87-92.
Pour cette œuvre, Duchamp imagine une version personnelle d'une obligation standard, collant une photo de lui par Man Ray, sa tête couronnée de bulles de savon sur une reproduction d'une roue de roulette. En haut il imprime en continu, sur plusieurs lignes, le jeu de mot suivant : moustiques, domestiques, demistock. Au dos sont imprimés des extraits des statuts de la compagnie. L'une des premières descriptions de l'Obligation pour la roulette de Monte Carlo parut dans The little review pendant l'hiver 1924-1925 :
« Marcel Duchamp a créé une société par actions dont il est l'administrateur. Les actions sont vendues 500 francs. L'argent sera utilisé pour mettre au point un système de jeu à Monte Carlo. Les actionnaires recevront 20 % d'intérêts. Quelques-unes des actions sont déjà disponibles dans le pays et leur montage est très amusant. Elles reproduisent une roue de roulette sur laquelle est collée une photo de Duchamp déguisé en diable. Elles sont signées deux fois à la main par Rrose Sélavy (nom sous lequel Marcel est presque aussi connu que sous le vrai), et il y apparaît comme président de la compagnie. Si quelqu'un désire acheter des œuvres d'art inhabituelles pour faire un investissement, il a ici la possibilité d'investir dans un parfait chef-d'œuvre. Rien que la signature de Marcel seule vaut beaucoup plus que les 500 francs demandés pour l'obligation. Marcel a complètement arrêté de peindre et s'est presqu'exclusivement consacré ces dernières années au jeu d'échecs. Il se rendra à Monte Carlo au début janvier pour mettre en place cette nouvelle société. » J(ane) H(eap) « Comment », in The Little review, vol 10, n° 2, automne-hiver 1924-1925, p. 18-19.
Le 16 janvier 1925, avant de partir pour Monte Carlo, Duchamp poste une obligation pour la roulette de Monte Carlo à Jacques Doucet (l'un des rares actionnaires avec Marie Laurencin). Il écrit :
« Je viens de poster l'obligation dont je vous ai parlé hier. Elle parle d'elle-même. J'ai beaucoup étudié le système, me basant sur mes mauvaises expériences de l'année passée. Ne soyez pas sceptique, puisque cette fois je crois avoir éliminé le mot chance. J'aimerai forcer la roulette à devenir un jeu d'échec. Une ambition, et ses conséquences, mais j'aimerais beaucoup payer mes dividendes. »
Duchamp in Sanouillet and Peterson ed., The writings of Marcel Duchamp, pp. 88-89.
Sur une carte postale à Doucet, envoyée peu de temps après être revenu à Paris, Duchamp écrit qu'il est « ravi des résultats (sur papier) ».
Archives, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Université de Paris.
Enfin, le 2 décembre 1925, il envoie à Doucet 50 francs - le premier dividende de l'obligation de Monte Carlo. En fait, le système ne fonctionna pas. Ce qu'il admet devant James Johnson Sweeney : « Je n'ai jamais rien gagné ». Rapporté par Sweeney in « A conversation with Marcel Duchamp » in Sanouillet and Peterson ed., The writings of Marcel Duchamp, p. 137.
Parier est une activité qui est, comme Freud l'a remarquée, aussi frustrante que l'onanisme :
« la passion pour le jeu est un équivalent de l'ancienne compulsion à la masturbation ».
On reconnaît le penchant de Duchamp pour la préservation de soi dans l'émission de cette obligation, ainsi que sa tentative d'amener le concept d'art à son point de rupture. Écrivant à son ami Francis Picabia, à propos de cette expérience sur Monte Carlo, Duchamp remarqua :
« Vous voyez, j'ai arrêté d'être un peintre, maintenant je fais des essais sur la chance. »
Duchamp in Sanouillet et Peterson ed., The writings of Marcel Duchamp, p. 187.
(Arturo Schwarz, The complete works of Marcel Duchamp, Revised and Expanded Paperback Edition, New York, Delano Greenidge Editions, 2000, n° 406, pages 703-704).
Expositions
- New York, The Museum of Modern Art, Fantastic Art Dada Surrealism, 1936, n° 225.
- Frankfurt, Schirn Kunsthalle, Die Surrealisten, 1989, reproduction page 158, page 410
- Milano, Palazzo Reale, I surrealisti, 1989, reproduction page 279, page 626
- Rome, Complesso Monumentale del Vittoriano, Dada e surrealismo riscoperti, 2009-2010
Bibliography
- Paris, Galerie Beaux-Arts, Exposition internationale du surréalisme, Dictionnaire abrégé du surréalisme, 1938, rep.p. 36
- André Breton, Le surréalisme et la peinture, Nouvelle édition revue et corrigée, 1928-1965, Paris, Gallimard, 1965, rep.p. 91, p. 87-92.
- Arturo Schwarz, The complete works of Marcel Duchamp, Revised and Expanded Paperback Edition, New York, Delano Greenidge Editions, 2000, rep.p. 703, n° 406, p. 703-704.
- Rome, Complesso Monumentale del Vittoriano, Dada e surrealismo riscoperti, 2009-2010, rep. p. 180
Creation date | 1924 |
Date of publication | 1924 |
Languages | French |
Physical description | 32 x 20 cm (12 5/8 x 7 7/8 in.) - Imitation de ready-made rectifié |
Copyright | © ADAGP, Paris, 2005. |
Reference | 2033000 |
Breton Auction, 2003 | Lot 4044 |
Keywords | Assemblage or collage, Surrealism |
Categories | Graphics |
Exhibitions | Fantastic Art, Dada, Surrealism, 1936-1937 , 1938, Exposition internationale du surréalisme |
Permanent link | https://cms.andrebreton.fr/en/work/56600100131600 |