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Descriptif
Manuscrit non daté, destiné à la rubrique « Revues » de La Révolution surréaliste n° 1.
Manuscrit autographe, non daté (1924).
On peut supposer que la graphie de la première page est de la main d'Éluard, et la seconde de la main d'André Breton.
Ce texte contient des annonces de conférences non tenues, des revues, et des annonces. Ces différentes rubriques se trouvent toutes à la page 31 de La Révolution surréaliste n°1, en compagnie d'un texte de Pierre Naville et d'un dessin de Chirico.
Le surréalisme fait d'abord la recension des différentes enquêtes parues dans des revues voisines.
Le premier numéro des Cahiers du mois a été publié en mai 1924, sous la direction de François et André Berge, aux éditions Émile-Paul Frères. La revue publiera les réponses à cette enquête en février-mars 1925 (n° 9 et 10), dont celle de Breton (reproduite dans les Œuvres complètes, t.I, p. 898), avec le questionnaire complet (p. 1683). Bonnet y souligne le rôle capital de l'Orient à l'époque, sujet d'un débat civilisationnel intense sur fond de guerre coloniale. Le thème de l'Orient obsédait Breton bien avant ; l'Introduction au discours sur le peu de réalité s'achevait ences termes : « Orient, orient vainqueur, toi qui n’as qu’une valeur de symbole, dispose de moi, Orient de colère et de perles ! Aussi bien que dans la coulée d’une phrase, que dans le vent mystérieux d’un jazz, accorde-moi de reconnaître tes moyens dans les prochaines Révolutions. Toi qui es l’image rayonnante de ma prochaine dépossession, Orient, bel oiseau de proie et d’innocence, je t’implore au fond du royaume des ombres ! Inspire-moi, que je sois celui qui n’a plus d’ombre. » Dans sa réponse à l’enquête, Breton attaque avec violence Massis, un des penseurs réactionnaires capables d'assimiler l'Asie à l'Allemagne et à la Russie. Le mythe oriental réunissait la mystique et toutes les volontés de rupture du mouvement ; le troisième numéro de la revue en sera l'acmée.
On sait peu de choses de la revue Illusions, dont le premier numéro a été publié le 6 novembre 1924, et le troisième et dernier le 20 (on peut lire ces numéros sur Gallica). De style assez libre et dans l'air du temps (la revue comporte une rubrique littéraire, mais aussi de mode, de théâtre et d'actualités), le premier numéro attaquait brutalement Anatole France : les hommages de conservateurs à sa mort rendaient évidente sa compromission, Barrès et Loti étant eux aussi épinglés. Bien que d'un ton bien opposé au sérieux des surréalistes, la revue était sensible aux mœurs et aux évolutions du temps. Le cinéma constituait une des grandes fascinations des jeunes surréalistes : le premier numéro contient une image extraite d'un film de Buster Keaton.
Le groupe Philosophies est formé le 15 mars 1924 autour de Pierre Morhange, Norbert Guterman, Georges Politzer, tous étudiants en philosophie à la Sorbonne. Ils sont bientôt rejoints par Henri Lefebvre. Leur projet se présente ainsi : « Philosophies est vraiment la revue de la nouvelle génération littéraire dont le mouvement s'applique à la POÉSIE, à l'ANALYSE et à la renaissance de la PHILOSOPHIE. » Entre 1924 et 1925 paraissent cinq numéros, où perce le souci de diffuser le marxisme sans l'enfermer dans un économisme strict. Les débuts sont d'un avant-gardisme de bon ton, sous la houlette de Max Jacob et de son appréciable carnet d'adresses (Delteil, Jouhandeau, Drieu la Rochelle, etc.). À la fin de 1924, Jacob rompt avec le groupe alors que ses membres sont de plus en plus attirés par l'engagement politique. Dans le numéro 3, sous le pseudonyme de John Brown, Morhange publie un « Billet » qui donne le la. Il appelle à « l'aventure absolue », à « l'anti-esthétique », pour créer un « nouveau mysticisme » censé se distinguer du bergsonisme. Ce nouveau mysticisme refuse à la fois le désespoir quotidien et la mystique chrétienne. Comme le note Michel Trebitsch : « D'emblée, en effet, ce nouveau mysticisme se présente comme critique, à la fois du rationalisme et des religions et métaphysiques établies. C'est pourquoi il prend un tour volontairement provocant, comme en témoignent l'Enquête sur Dieu lancée en novembre 1924 (n°4) ou le projet d'une Revue des Pamphlétaires, dont l'unique numéro est ce Pamphlet contre les catholiques de France que publie Julien Green sous le pseudonyme de Théophile Delaporte. (...) Ainsi, les jeunes philosophes (…) participent-ils à ce " procès de l'intelligence " (…) contre la raison, c'est-à-dire contre le " logos " occidental. » (in Michel Rebitsch, « Le groupe "Philosophies", de Max Jacob aux Surréalistes (1924-1925) », in Les Cahiers de l'Institut d'Histoire du Temps Présent, n°6, novembre 198, pp. 29-38.). Le rapprochement n’était pas évident. En novembre, Norbert Guterman et Henri Lefebvre dénoncent l'attirance des ex-dadaïstes pour le désespoir et la destruction totale (H. Lefebvre, « Sept manifestes dada » et N. Guterman, « La fin d'une histoire. Quelques notes sur le "Surréalisme" de M. Breton », Philosophies, n°4, 15 novembre 1924).
Après la rupture avec Max Jacob en décembre 1924, une convergence s'amorce grâce aux enquêtes. Dans le numéro 2 de La Révolution surréaliste (janvier 1925), Breton « demande en grâce à certains de mes amis de ne pas combattre l’activité, peut-être toute extérieure au surréalisme, mais haute de mobiles, de Pierre Morhange » (« Le Bouquet sans fleurs », n°2, p. 23, repris in OC 1, p. 897-898). Le rapprochement prend forme avec le manifeste de Lefebvre, en mars 1925 : Positions d'attaque et de défense du nouveau mysticisme, qui appelle à l'action par la réunion de toutes les avant-gardes, vers la « révolte de l'esprit ». En mai, le groupe organise la conférence agitée « Ouvrez votre testament », où en présence de Breton et d'Éluard ils appellent à la « révolution philosophique ». Peu après surviendra le banquet Saint-Pol-Roux. En été, au moment où le P.C. s'ouvre aux jeunes intellectuels et où tant Clarté que La Révolution surréaliste traversent une crise d'identité, la dénonciation de la guerre au Maroc dans le tract La Révolution d'abord et toujours ! (août 1925) signe la réunion des trois groupes. Le manifeste revendique la « révolte de l'esprit » tout au refusant à l'esprit son autonomie quant à la réalité : « Cette révolution, nous ne la concevons que sous sa forme sociale ». Cette politisation continuera en projet de fusion dans une nouvelle revue, La Guerre civile. Moins radical, Philosophie quittera le projet dès octobre.
Paris-Soir est plus proche d'llusions. Fondé en 1923 par Eugène Merle, militant anarchiste et rédacteur en chef du Merle Blanc, c'est un quotidien grand public, à fort tirage, et qui traite de différents faits de société. On y a vu Paul Dermée défendre, en 1923, l'emploi du mot surréalisme pour définir la poésie d'Apollinaire, Reverdy, Max Jacob, et lui-même... Il semble que ce soit surtout le jeu de mots, ou le tour amusant de la question qui retînt les directeurs de la revue.
Le Disque Vert (à l'origine intitulée Signaux de France et de Belgique) est une revue belge d'inspiration symboliste fondée par Franz Hellens à Bruxelles en 1922, qui compta parmi ses membres Vialatte, Crevel, mais aussi Salmon, Cocteau et Max Jacob. La revue parle de tout et cherche à saisir l'esprit contemporain ; les thèmes évoqués sont divers, allant du théâtre au cinéma, de la littérature à l’architecture, avec pour point commun la critique virulente de l’art officiel. Le numéro un du Disque Vert (3° année, 4° série, n°1, fin janvier 1925), s’intitulait « Sur le suicide ». Les surréalistes présents le 14 novembre au soir au Bureau de recherches (Vitrac, Morise, Naville, Éluard et Aragon) ont décidé qu’en dépit de cette enquête le projet surréaliste sur le suicide est maintenu. Les deux projets n'avaient en effet pas la même ampleur, celle des surréalistes ouvrant une voie nouvelle dans l'exploration des problèmes de la vie moderne, tandis que Le Disque vert prenait une forme plus classique.
Plus étonnante est le projet de Conférences annoncé par le groupe : rien ne vient étayer l'hypothèse d'une tenue de ses conférences,par ailleurs assez improbables (le théâtre Albert Ier était un des hauts-lieux du théâtre belge, et peu enclin aux conférences ; en outre, la présence de Breton à la Sorbonne ne laisse pas de surprendre). Lointain souvenir des conférences dadaïstes ? Véritable désir d'étendre la sphère d'influence du surréalisme ? On sait que Breton esquissera un projet de « Cycle systématique de conférences » en 1935. Les archives de la revue indiquent une autre piste : Francis Gérard et Pierre Naville, dans une lettre conservée par Breton, contactent Léo Poldès, appréciateur du surréalisme par le passé, afin de mettre une place une séance de présentation du surréalisme par Robert Desnos. Journaliste et militant socialiste, puis communiste, Léo Poldès est en effet le fondateur et président du Club du Faubourg et de la Fédération des Tribunes libres. Le Club du Faubourg, créé au lendemain de la Première Guerre mondiale, avait pour vocation de donner une tribune à des intellectuels de sensibilité de gauche sur des sujets divers. Les surréalistes s'étaient donné comme objectifs de ne point être un mouvement littéraire : ils avaient souhaité organiser, le 11 octobre, un banquet surréaliste aux Buttes-Chaumont ; présenter le groupe de la rue de Grenelle comme un mouvement social, « révolutionnaire » et scientifique, eût été un moyen appréciable de se démarquer des gens de lettres qu'ils méprisaient.
De toute autre stature est la revue Commerce, où on annonce la parution passée d'Une vague de rêves d'Aragon dans le second numéro, et celle prochaine d'un texte de Léon-Paul Fargue. Marguerite Caetani, princesse de Bassiano, a fondé Commerce en 1924, avec l'aide de Paul Valéry, Léon-Paul Fargue et Valéry Larbaud. La revue aura 29 livraisons, de 1924 à 1932. Éclectique, elle accueille aussi bien des nouveautés comme Saint-John Perse que des auteurs allemands (Büchner, Höderlin) ou italiens (Ungaretti) plus classiques. La revue reste étrangère aux enthousiasmes contemporains et aux doctrines en cours, tout en ouvrant ses pages aux jeunes auteurs. Valéry affirme dans le premier numéro : « J'ignore ce que la poésie doit être. Je ne puis ni ne veux savoir ce qu'elle sera. » Cette circonspection n'empêche pas quelques audaces, comme un extrait d'Ulysse de Joyce, des extraits de Monsieur Teste et des poèmes de Rilke.
Êve Rabaté note que Breton compte Fargue et Valéry au rang des visiteurs du Bureau de recherches surréalistes en 1925, « parmi ceux que sont loin d’effrayer les activités subversives » (Entretiens). Henri Béhar cite Marguerite de Bassiano parmi les « dames du monde » se rendant à la « Centrale » surréaliste (André Breton, Le grand indésirable). Fargue et Valéry avaient tous deux participé à la revue Littérature. Outre Une vague de rêve, les surréalistes ont donné Sur le peu de réalité d'André Breton pour le cahier d'hiver 1924.
Surréaliste serbe, né en 1902 à Belgrade et mort en 1982, Marko Ristić est un des fondateurs de l'antienne serbe du surréalisme. En 1922, il lance le magazine Putevi, où l'on découvre des essais d'André Breton. Ristić a découvert les premiers essais dadaïstes du groupe par son ami Dušan Matić, qui lui envoie des exemplaires de Littérature depuis Paris. Il commence à correspondre avec Breton dès 1923, et publie des extraits du Manifeste du surréalisme dans sa nouvelle revue, Svedočanstva (que l'on peut traduire par Témoignages). La même revue avait annoncé la création du bureau de recherches surréalistes, le 1er décembre 1924. La revue de Zagreb auquel fait allusion La Révolution surréaliste est sans doute Zenit, « Revue internationale de culture et d’art », revue dadaïste fondée en 1921 par Ljubomir Micić. Très provocatrice et avant-gardiste, la revue propageait un programme de décivilisation de l’Europe par une activité de « Barbarogénie » – culte des forces archaïques, primitives et supposées bénéfiques à la santé culturelle d’une « Europe syphilitique » par acculturation, selon Branko Aleksić.
Les surréalistes étaient de grands amateurs de Saint-Pol Roux, en particulier Breton, qui lui rendit visite en septembre 1923. Le recueil Clair de Terre lui était dédié en ces termes : « Au grand poète SAINT-POL-ROUX / À ceux qui comme lui / S’offrent / LE MAGNIFIQUE / Plaisir de se faire oublier » On le découvre aussi dans la double page, intitulée « ERUTARRETIL » de la livraison du 15 octobre 1923 de la revue Littérature, encadré, en haut par Lautréamont, en bas par Fantômas, à gauche par Ghil et Louys, à droite par Péladan. Dès lors, Saint-Pol-Roux appartient de facto à l'histoire du surréalisme. Le Manifeste du surréalisme, en 1924, reprenait à son compte l'anecdote célèbre de Saint-Pol Roux ayant affiché, devant sa porte, l'inscription : « Le poète travaille. » On se souvient que dans le numéro 2 de La Révolution surréaliste, Breton se plaint en ces termes : « Les grands poètes fiers meurent dans l’indigence : la fin de Baudelaire, de Jarry ont beau faire verser des larmes de crocodile, il y a quelque part, en Bretagne, un homme adorable sur qui s’acharne un semblable destin. À soixante-quatre ans, cet homme, qui fut à tous égards une providence, voit le vent et la pluie crever son manoir. Il ne se plaint d’ailleurs pas (lui, se plaindre !) et pourtant, dans le même temps, l’absurde Henri de Régnier se prélasse à l’Académie française, pourtant il continue à être question de Mme de Noailles ? » (La Dernière Grève).
On ne dispose d'aucune information sur le journal L'Étoile. Le cahier de la permanence nous donne l'histoire de cette manchette : Breton, le 14 novembre, a reçu une lettre de Georges Bessière qui ayant lu le Manifeste du Surréalisme, se propose de lui apporter des documents importants constitutant « d’intéressantes révélations ». André Breton le convoque le soir-même au café Cyrano. Bessière passe le lendemain pour y faire des dessins, mais le numéro suivant ne contiendra qu'un texte surréaliste de sa main. [Site André Breton, 2022]
Bibliographie
Anonyme, « Revues », La Révolution surréaliste, n°1, décembre 1924, p. 31.
André Breton (Édition de Marguerite Bonnet avec la collaboration de Philippe Bernier, Étienne-Alain Hubert et José Pierre), « [Réponse à l'enquête des "Cahiers du mois" : Orient/Occident] », Alentours III, Œuvres complètes, tome I, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1988, pp. 898 et 1683
Date de création | sd (circa nov. dec. 1924) |
Notes bibliographiques | Ms, mains et encres diverses - trois pages : une à en-tête du Grand Café Français, une autre avec un poisson au dos. |
Langues | français |
Cote de bibliothèque publique | 7208 (12) |
Modalité d'entrée dans les collections publiques | Collection Jacques Doucet |
Nombre de pages | 3 p. |
Mots-clés | enquête ou questionnaire, revue, revue "la révolution surréaliste", édition |
Catégories | Manuscrits, Manuscrits des membres du groupe |
Série | [Revue] La Révolution surréaliste, [Revue] La Révolution surréaliste, 1 |
Expositions | Réunions du groupe au Cyrano , Réunions du groupe au Bureau de Recherches surréalistes |
Lien permanent | https://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101001981 |