Descriptif

Lettre d'Alberto Giacometti à André Breton, datée de Paris, le 18 juin 1947.

Lettre évoquant la participation d'Alberto Giacometti à l'Exposition surréaliste de 1947. Giacometti s'agace d'une tentative d'annexer, semble-t-il, son travail au groupe surréaliste, et rappelle l'affaire du portrait à l'origine de son exclusion. [Site André Breton, 2021]

 

Transcription

Paris le 18 juin 1947

Cher ami,

Il me faut revenir sur mon attitude à propos de l’exposition Surréaliste.

À [addition : la fin de] notre discussion au Flore tu avais refusé [addition : sur mon refus de l’alvéole pour ma sculpture] ma proposition de participer à la rétrospective de l’exposition. Avant hier au restaurant tu acceptais cette même proposition, mais comment pouvais-tu l’accepter puisque comme tu le déclarais un moment après il n’y avait plus de rétrospective ? Au milieu de la discussion je n’ai pas prêté assez d’attention à cette déclaration, déjà tu m’avais demandé de collaborer au catalogue malgré moi je ressentais immédiatement une hostilité et un manque de volonté pour cette proposition. Je sentais que ma collaboration au catalogue changeait le caractère de ma participation à l’exposition. Par là je devenais solidaire de toute l’exposition, et du groupe surréaliste aujourd’hui, et ceci je ne le suis pas. Malgré que [sic] je vous ai dit mon impossibilité de faire une gravure (le manque réel de temps correspond forcément à un manque de volonté, tu l’as dit toi-même) vous avez insisté, vous avez pressé [sic], et tu as continué avec plus de un ton [addition : plus] autoritaire encore hier au téléphone. Je déteste ces méthodes dont je n’ai plus l’habitude, si je veux faire quelque chose je veux le faire librement et pas sous pression et parce qu’on insiste, je ne veux pas avoir la main forcée. Je propose une chose vous voulez m’en imposer une autre qui fausserait tout à fait ma position.

Et ce n’est pas parce que je subis un moment une pression que je dois m’y maintenir si ceci me met dans une position absurde ou fausse. Et il serait absurde de me présenter aujourd’hui comme solidaire du groupe surréaliste que j’ai quitté il y a dix ans, et de l’exposition surréaliste. S’il n’y a pas de rétrospective, et il n’y en a plus, ma participation à l’exposition devient, que je veuille ou non, impossible.

(Oui je t’ai parlé hier d’une sculpture que je veux faire et que je ferai mais sa présence [addition : à l’exposition] isolée des autres choses que j’ai faites et que je n’ai encore jamais exposées ne ferait que fausser mon activité et serait comme ma participation au catalogue le signe de ma d’une solidarité avec le groupe surréaliste que je n’ai pas, malgré ma sympathie sur beaucoup de points, pour celui-ci.) Je ne regrette pas d’avoir hésité, d’avoir accepté, d’avoir refusé, d’avoir été en doute sur ce, c’était pour moi le seul moyen de sentir ce que je dois faire et je pense que tu aurais tort de m’en vouloir.

[en marge droite :] Très affectueusement,

A. Giacometti.

P.-S. - Vous accepteriez aujourd’hui une gravure représentant une tête, un portrait et c’est justement parce que je faisais des têtes, des portraits que vous m’avez une fois (ceci se passait chez Georges Hugnet) exclu du groupe ! Tout ceci n’est pas possible)

 

Date de création	18/06/1947
Notes bibliographiques	Ms, encre noire - Quatre pages, deux feuilles recto-verso signées. Enveloppe non conservée.
Langues	français
Lieu d'origine	46, rue Hyppolite-Maindron Paris XIV
Bibliothèque	Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BRT C 844
Nombre de pages	4 p.
Crédit	© Fondation Alberto Giacometti
Référence	19001038
Mots-clés	correspondance, exposition, lettre, portrait, sculpture
Catégories	Correspondance, Lettres à André Breton
Série	[Correspondance] Correspondance avec Alberto Giacometti
Exposition	1947, Le Surréalisme en 1947
Lien permanent	https://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101001760