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Lettre datée du 23 juillet 1924
Auteur
Auteur André BretonPersonnes citées Louis Aragon, Georges Limbour, Madame Doucet, Max Morise, Pierre Naville, Andrea Francesco Alberto de Chirico, dit Alberto Savinio, Robert DesnosDestinataire Jacques Doucet
Descriptif
Lettre d'André Breton à Jacques Doucet, envoyée de Lorient le 24 juillet 1924.
Transcription
Mercredi 23 juillet 1924
Très cher Monsieur,
comment vous portez‑vous ? Notre voyage de Paris à Lorient s’est déroulé dans des conditions parfaitement agréables et sans incident notable. Lorient, vous le savez, n’offre pas grande ressource artistique ni naturelle et c’est essentiellement par devoir que j’y séjourne un peu chaque année. Heureusement Pierre Naville demeure à Quimperlé, Max Morise vient d’arriver à Douarnenez, ce qui nous per‑ met de nous réunir de temps à autre et d’explorer ce qu’il y a d’explorable dans la région. Nous rentrerons à Paris à la fin du mois.
Les journaux, dont j’attends ici ma seule distraction, ne m’ont rien appris depuis mon arrivée. Un numéro d’« Accords » (n° 2) vient de paraître, je ne le sais que par l’Argus qui m’en a détaché une ou deux coupures. On m’a annoncé aussi un nouveau numéro de « 391 »n°19 qui ne le cède, paraît‑il, en rien aux précédents.
J’ai reçu hier une lettre effrayante de Georges Limbour, qu’on me faisait suivre de Paris. Elle était datée de Mayence, café de Paris, 18 juillet. Limbour m’écrivait qu’à la suite d’une discussion je ne sais trop avec qui, peut‑être des officiers, il venait d’être grièvement blessé : « Il se peut que je ne revienne jamais à Paris. Je suis tué. Le sang me coule par les yeux, les narines, la bouche…. Défendez‑moi. » L’écriture, l’orthographe et le style trahissaient une agitation ou une faiblesse extrême. J’ai immédiatement télégraphié dans plusieurs directions pour qu’on enquête et qu’on porte secours à notre ami s’il en était encore temps. Mais ce ne semble avoir été qu’une alerte. On me télégraphie de Strasbourg qu’à l’« Écho du Rhin », journal de Mayence où Limbour était rédacteur, on répond qu’il n’y a pas sujet d’inquiétude et que Limbour a quitté hier matin la ville à destination de Paris.
Je revois ici d’un peu près le manuscrit de mon livre qui doit paraître en octobre. Je songe aussi au suivant. Je m’entretiens avec Naville d’un ouvrage que nous avons projeté d’écrire tous en collaboration, dont la direction lui est confiée ainsi qu’à Desnos et qui doit épuiser momentanément la question du surréalisme. Nous tâcherons de faire paraître ce volume avant la fin de l’année.
Aragon a dû se charger de transmettre votre offre à Péret, que je n’ai pas pu joindre avant mon départ.
J’attends beaucoup, à la réflexion, de ces réunions que vous nous avez confié le soin d’organiser cet hiver. Savinio est de retour à Rome mais très enthousiaste de l’accueil que nous lui avons fait, il se propose de revenir bientôt.
Voici, cher Monsieur, les quelques nouvelles assez pauvres que je puis d’ici vous donner. Mais si cela ne vous ennuie pas trop, posez‑moi des questions. Je serai heureux d’y répondre. Je me rappelle très respectueusement au souvenir de Madame Doucet. Simone me charge de vous transmettre mille choses aimables. Croyez, cher Monsieur, à ma profonde affection.
André Breton.
24 rue Amiral
Courbet Lorient
Bibliographie
André Breton, Lettres à Jacques Doucet, éd. Étienne-Alain Hubert, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 2016, p. 194-196.
Librairie Gallimard
Date de création | 23/07/1924 |
Notes bibliographiques | Deux pages sur un feuillet ligné 27 × 21 cm. |
Langues | français |
Lieu d'origine | |
Bibliothèque | Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BLJD 7210-50 |
Dimensions | 21,00 x 27,00 cm |
Crédit | © Aube Breton, Gallimard 2016 |
Mots-clés | correspondance, lettre |
Catégories | Correspondance, Lettres d'André Breton |
Série | [Correspondance] Lettres à Jacques Doucet |
Lien permanent | https://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101001060 |