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Lettre de Charles Estienne à André Breton, datée du 3 octobre 1956 et envoyée d'Argenton à Paris.
Sept images, une notice descriptive, un lien.
Personnes citées Fedor Dostoïevski, Isidore Ducasse, dit comte de Lautréamont, Friedrich Nietzsche, Arthur Rimbaud, Roger Caillois, Franz KafkaContributions de Arthur Adamov, René Alleau, Heinrich von Kleist, Georges Lambrichs, Édouard Loeb, Georges Ribemont-Dessaignes, Marthe Robert, Antonin Artaud, André Breton, Michel Fardoulis-Lagrange, Jean Maquet, Henri Thomas
Tract publié en 1946 à la suite de l'enquête d'Action sur la littérature dite noire.
Tract joint à la lettre de Charles Estienne à André Breton datée du 3 octobre 1956 ; tract signé par Artaud, Breton, Bryen, Estienne, etc. [catalogue de la vente, 2003]
L'enquête d'Action sur la littérature dite “noire” (« Faut-il brûler Kafka ? ») a mis en effervescence tous les intellectuels, “ces esprits avertis que la fermeté de leur vocation met à l'abri de toute faiblesse (Caillois, sic). On ne les savait quand même pas si dociles à l'aiguillon, si pressés de répondre présent à la Bêtise. Il est vrai qu'il ne s'agissait pas seulement ici de bêtise. La question était en quelque sorte soufflée à qui la posait par la confusion même de l'époque. C'est ce qui justifie cette protestation.
Certains esprits honnêtes ont cru bon d'intervenir récemment au nom de la liberté de l'écrivain. La liberté de l'écrivain n'a rien à voir avec le fait qu'on brûle ou ne brûle pas une œuvre écrite. C'est là une mesure tactique, politique, policière, étrangère à tous les débats de l'esprit et même à leurs hautes manifestations journalistiques. Le : “Faut-il brûler ?” fait alors place à la consigne : “J'anéantis le témoin.”
Si naïve et si oiseuse qu'elle soit, la question ainsi posée révèle un état d'esprit d'autant plus alarmant qu'elle n'affecte pas seulement un clan ou un parti, mais la conscience ou l'inconscience de tous. En un point précis : la peur, se retrouvent tous ceux qui ne peuvent plus marcher qu'en troupeau. De toutes les données de l'esprit auxquelles l'homme a pu croire, de tous les faits auxquels il ne comprend rien, il ne reste que la peur : la peur de l'informe, la peur de ce qui n'a pas de langage et invente son langage, la peur de la défensive comme de l'offensive spirituelle. À l'homme menacé dans son être par une interrogation sans mesure, et de ce fait salué malade et relégué comme tel, s'oppose, non pas l'homme sain, mais le malade avili par la peur qui lui fait voir une illusion de norme, alors que toute norme depuis longtemps est soustraite de la vie. Reconnaître la maladie - au sens où l'on reconnaît un état - c'est accomplir une révolution sans laquelle toute révolution de conscience sociale n'est qu'un leurre. Il est certes infiniment plus facile d'isoler les rares, très rares hommes qui ont fait cette révolution en eux, et de les présenter comme des cas particuliers dont, par bonheur, l'isolement réduit la nocivité. À cet égard, l'étiquette de “littérature noire”, si commode pour recouvrir dans la confusion des éléments totalement disparates, constitue une invention aussi sommaire que malhonnête. Il faut être atteint de cécité et d'imbécillité pour confondre la noirceur d'une certaine littérature plus ou moins existentielle et la nuit éblouissante de Kafka. Les tendances qui constituent actuellement la littérature dite “pessimiste”, sont, sans nulle invention, l'affligeante survie d'un naturalisme du découragement. Cette atmosphère grise - non pas noire - de déception sûrie, que le public se félicite toujours de reconnaître avec facilité, n'a rien de commun avec l'impitoyable effort de ceux qui font croûler nos murs sur la vraie nuit. Il est pour le moins abusif de demander aux hommes que les décombres écrasent des assurances contre les dégâts.
S'il faut déplorer quelque chose, c'est que la grande tentative poursuivie à travers Kleist, Lautréamont, Dostoïewsky, Nietzsche, Rimbaud, Kafka, pour ne citer que quelques noms, n'ait pas abouti au furieux et total nettoyage d'un monde reconnu par eux comme infectieux parce que larvaire au milieu d'une conscience indéfiniment ridiculisée.
Arthur Adamov, René Alleau, Antonin Artaud, André Breton, Michel Fardoulis-Lagrange, Georges Lambrichs, Édouard Loeb, Jean Maquet, Georges Ribemont-Dessaignes, Marthe Robert, Henri Thomas. [1946.]
José Pierre (dir.), Tracts surréalistes et Déclarations collectives (1922-1969), Paris, Le Terrain vague (Éric Losfeld éditeur), t. II, p. 25
Notes bibliographiques | 1 page in-4° |
Date d'édition | 01/01/1946 |
Édition | édition originale |
Langues | français |
Notes | Impr - |
Dimensions | 30,00 cm |
Nombre de pages | 1 |
Éditeur | Sans éditeur |
Référence | 6473000 |
Vente Breton 2003 | Lot 562 |
Mots-clés | critique, lettre, tract ou déclaration collective |
Catégories | Tracts et déclarations collectives |
Série | Tracts surréalistes et déclarations collectives |
Lien permanent | https://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101000718 |
Lettre de Charles Estienne à André Breton, datée du 3 octobre 1956 et envoyée d'Argenton à Paris.
Sept images, une notice descriptive, un lien.
Recueil de textes de Charles Estienne orné de lithographies de Jean Pons, livre d'artiste édité en 1952 chez le lithographe.
Trois images, une notice descriptive, deux œuvres associées.