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[C'est vrai que je commençais à être inquiet...]

Lettre datée de Paris, le 22 juillet 1954

Correspondance

Auteur

Auteur André Breton
Personnes citées Nicole Bienaimé, Edmond Bomsel, Elisa Claro Breton, Sandra Calder-Davidson, François-René de Chateaubriand, Eugène Ionesco, Aimé Patri, Louis Breton, Léon Trotsky
Destinataire Aube Breton, épouse Elléouët

Descriptif

Lettre d'André Breton à sa fille Aube, de Paris, le 22 juillet 1954.  

 

Transcription

Paris, le 22 juillet 1954

Ma petite Aube chérie,

C’est vrai que je commençais à être très inquiet : huit jours ou presque sans nouvelles et je n’avais même pas ton adresse. Deux heures environ après ton départ ont sonné Nicole et une autre — noire — de tes amies dont je ne retrouve pas le nom. Il paraît que tu leur avais donné rendez-vous et Nicole , en particulier, semblait très déçue.

Je n’arrive pas, même après ta lettre, à bien me représenter ce lieu de Saché  ; tu ferais bien de m’en adresser deux ou trois cartes postales, que je voie si c’est montagneux, ombragé, mouillé, fleuri. Tu ne me donnes guère idée que des intérieurs mais tout cela m’a l’air bien beau et Elisa m’assure, après ta lettre en anglais, que tu ne peux être que très heureuse.

Ici pas grande éclaircie : le livre toujours aussi peu entrepris, le pastel pas encore vendu, l’argent introuvable, les perspectives… n’en parlons pas. Le Dr Hunwald, que Patri m’a délégué, m’a prescrit un examen de sang (numération globulaire, etc.). Je vais voir ce qu’il pense des résultats cet après-midi.

Bomsel  m’a rapporté ton passeport prolongé.

Nous nous sommes décidés lundi soir à aller voir la pièce de Ionesco : Victimes du devoir : comme la précédente très belle mais très terrible, avec grands cauchemars à la clé. Une dizaine de spectateurs en tout et pour tout.

On a un peu joué avant-hier à constituer, pour Médium , des sortes de cartes postales du genre — amélioré de celles qu’on édite à l’occasion de l’émission d’un timbre : timbre de Chateaubriand, par exemple, sur une vue de Combourg, tampon commémoratif de la poste. Nous avons choisi à part une cinquantaine de portraits, autant de paysages et de scènes pouvant servir de fond, autant d’objets susceptibles de servir d’emblèmes, autant de courtes inscriptions destinées au tampon et tiré le tout au sort. L’ensemble des résultats est très surprenant. Exemple : Trotsky .  — Deux tigres jouant avec un pneu. — Un battant de cloche. — Inscription : « Cette heure est à moi. » Septembre 1936. (À cette date la guerre d’Espagne commençait.) Cet assemblage est le premier qui s’est présenté.

Petit chéri, je voudrais bien ne pas t’ennuyer avec des recommandations mais, je t’en prie, n’oublie pas ce que nous avons dit avant ton départ pour l’emploi régulier de deux à trois heures chaque jour. C’est plus important que jamais : ne tourne pas le dos à ta vie à venir, comprends-le bien.

Dès que je vais pouvoir — pardon — je t’enverrai des sous mais c’est de ce côté pire que jamais. C’est dire !

As-tu écrit à ton grand-père  ?

Tous mes plus tendres baisers. Et mes compliments à Sandra.

André

 

 

Bibliographie

André Breton (Jean-Michel Goutier éd.), Lettres à Aube, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 2009, p. 84 à 87

Librairie Gallimard

Date de création22/07/1954
Date du cachet de la Posteillisible
Adresse de destination
ProvenanceParis
Lieu d'origine
Bibliothèque

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : Ms Ms 41363_82

Modalité d'entrée dans les collections publiquesDon Aube et Oona Elléouët à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, Paris, 2003
Crédit© Aube Breton, Gallimard 2009
Référence19004951
Mots-clés, , ,
CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
Série[Correspondance] Lettres à Aube
Lien permanenthttps://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101000123
Lieu d'origine
Lieu d'arrivée