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[C'est très beau, tu sais, cette réponse de toi...]

Lettre datée de Saint-Cirq, le 8 juin 1952

Correspondance

Auteur

Auteur André Breton
Personnes citées Elisa Claro Breton, François Guerpillon, Lyka Guerpillon, Manou Pouderoux
Destinataire Aube Breton, épouse Elléouët
Texte de Elisa Claro Breton

Descriptif

Lettre d'André Breton à sa fille Aube datée du 8 juin 1952, envoyée le 9 de Saint-Cirq-la-Popie.

 

Transcription

St Cirq dimanche 8 juin 1952

Ma petite Aube chérie,

C’est très beau, tu sais, cette réponse de toi au bout de seize ans. Je vais la garder précieusement pour la joindre à mon exemplaire : cela aussi participe du merveilleux. Et puis, par elle-même, elle est très belle, ce qui ne me surprend pas, parce que je sais quelles grandes qualités sensibles et quels dons d’expression il y a en toi — et si je fronce trop souvent les sourcils, c’est que je déplore parfois que tu ne cherches pas davantage à les développer, parce qu’il y a là une fleur superbe en puissance, à condition qu’elle soit cultivée. Il me semble que, si tu t’efforçais toi-même de faire tomber un voile de rêverie un peu paresseuse qui te recouvre et quelquefois te cache, si tu étais un peu plus difficile sur l’emploi de ton temps, si tu te convainquais que tu ne dois te consacrer à rien qu’à ce qui élève l’esprit et l’âme (je veux dire un peu plus de lectures choisies, de visites attentives de musées, un peu moins de cinéma et de déambulation au hasard), tu t’apercevrais très vite que tu es beaucoup plus riche de moyens que tu ne te connais et tu serais aussi beaucoup plus heureuse. C’est seulement ainsi, crois-moi, que tu parviendras à te connaître, que tu découvriras peu à peu ce qu’il y a d’unique en toi et quelle est la voie qui vaut la peine que tu t’y engages, l’ayant un beau jour reconnue pour la tienne entre toutes les autres. Je sais que c’est toujours difficile, tant toutes ces voies paraissent enchevêtrées dans la jeunesse mais il y en a pourtant une qui est donnée pourvu qu’on en pousse la recherche assez loin. Je te dis cela, mon chéri, en considération même des accents que tu as trouvés pour m’écrire ce 31 mai 1952 et qui m’ont si grandement ému.

Oui, nous avons fait un très beau voyage : longuement admiré le portail de l’église d’ Autun , un des chefs-d’œuvre de la sculpture romane, puis le « Palais idéal » du facteur Cheval que ni Elisa, ni Lyka, ni François ne connaissaient au naturel, puis le théâtre romain d’Orange d’où je t’ai adressé une petite carte. De là nous avons gagné la Camargue où vers le soir nous avons pu voir s’élever des roseaux à perte de vue les hérons et les aigrettes blanches. Malheureusement nous avons manqué les flamants roses. Nous avons visité l’église des Stes-Maries-de-la-Mer. Elisa n’en garde aux jambes que quelques bleus. Mais les deux personnes de l’autre voiture ont été plus fortement touchées, le conducteur saignant abondamment du nez sous le coup et sa femme à demi évanouie, avec une sérieuse plaie du genou. Force nous a été de poursuivre le voyage en chemin de fer. Lyka et François ont dû regagner Paris par le train.

St-Cirq toujours très beau et tout livré aux chants des oiseaux. Les rossignols de muraille qui logent au mur près de la fenêtre du presbytère ont repris leur manège de l’année dernière et il y a un nid jusque dans la façade de notre maison, d’où l’on entend les petits appeler. Éliette et Roger ont malheureusement quitté l’Auberge pour aller habiter sur le Causse (la colline qui domine le village), de sorte que l’atmosphère des repas est moins agréable mais tout est si beau quand même que je voudrais bien que tu [reviennes].

Je laisse un petit peu de marge à Elisa, comme promis. Écris, petit chéri. Mes affectueux compliments à Manou.

Je t’embrasse.

André

Chérie,

de moi tu n'auras que des cartes postales de temps à autre - you know how I am. Sois gentille, va le plus vite possible à rue Fontaine, cherche dans le grand tiroir de mon secrétaire le pied photographique le plus grand (il y en a deux) s'il n'est pas dans le tiroir, il se peut qu'il soit posé parterre [sic] du côté droit du secrétaire prends aussi tous les pinceaux qui sont dans le petit tiroir à droit [sic] (que tu connais bien) et amène cela immédiatement chez Lyka à l'adresse 7 rue Maspero 1er étage (le chemin à faire est en métro - Villiers - Étoile ensuite changer pour Trocadéro, changer de nouveau à Trocadéro pour la station La Muette" où là tu demanderas où la rue se trouve. C'est tout prêt du métro. Le téléphone est Trocadero [chifffres biffés] (vérifie sur l'annuaire). Ne téléphone pas le vendredi, ni samedi, ni dimanche. Les autres jours tu la trouveras à l'heure du déjeuner pour lui demander si tu peux aller jeudi matin ou après-midi [illisible]. Chérie, il faut que tu le fasses le plus vite possible. Lyka s'appelle Mme Guerpillon. Le téléphone est Trocadéro 5982. T'embrasse Chérie, t'enverrai la robe prochainement.

Mille sourires pour toi et Manou d'Elisa.

 

Bibliographie

André Breton (éd. Jean-Michel Goutier), Lettres à Aube, Paris, Gallimard, 2009, p. 60 à 62

Librairie Gallimard

Date de création08/06/1952
Date du cachet de la Poste09/06/1952
Adresse de destination
Notes bibliographiques

2 feuillets in-4°

ProvenanceSaint-Cirq-Lapopie, Lot
Lieu d'origine
Bibliothèque

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : Ms Ms 41363_61

Modalité d'entrée dans les collections publiquesDon Aube et Oona Elléouët à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, Paris, 2003
Crédit© Aube Breton, Gallimard 2009
Référence19004940
Mots-clés,
CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
Série[Correspondance] Lettres à Aube
Lien permanenthttps://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101000105
Lieu d'origine
Lieu d'arrivée