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[Enfin une lettre de toi où je te retrouve...]

Lettre datée de Saint-Cirq, le 6 septembre 1951

Correspondance

Auteur

Auteur André Breton
Personnes citées Elisa Claro Breton, Drahomira, Jindřich Heisler
Destinataire Aube Breton, épouse Elléouët

Descriptif

Lettre d'André Breton à sa fille Aube, datée de Saint-Cirq le 6 septembre 1951.

 

Transcription

St Cirq, le 6 septembre 1951.

Ma belle Aube ,

Enfin une lettre de toi où je te retrouve. J’étais resté un peu consterné depuis l’enveloppe de ton écriture qui n’apportait qu’un certificat médical sans le moindre bonjour. Ce n’était d’ailleurs pas le certificat de vaccination exigé : je n’ai pu que l’adresser à la direction du lycée dans l’espoir qu’il y suppléerait mais tu me dis que les papiers demandés sont partis, de sorte que je ne sais trop pourquoi tu m’as adressé le certificat en question. Enfin j’espère que les formalités sont remplies.

J’ai appris avec peine la mort de ta tante Charmette dont j’ai toujours aimé la sensibilité. À une lettre qu’elle m’écrivait il y a environ trois mois pour m’inviter à venir parler du surréalisme dans un sanatorium de jeunes gens qui dépendait de la même formation hospitalière que l’asile où elle demeurait, j’avais répondu aussi gentiment que possible en lui disant tout le bien que je pensais d’elle. J’espère lui avoir fait plaisir un instant.

Mon petit chéri, je ne puis malheureusement trouver aucune solution pour te faire venir de Cannes à Lorient  : il y a, je crois, quelque seize cents kilomètres, on est à la fin de ces longues vacances et l’argent est compté au possible. Je ne me rends pas très bien compte de l’état de santé de ton grand-père qui est très mauvais selon lui, moins mauvais de l’avis de notre cousin Pierre Le Maoût. Elisa et moi nous comptons quitter St-Cirq lundi prochain pour arriver à Lorient mercredi, après une courte halte à La Rochelle . Selon les circonstances, nous déciderons là-bas de ce qu’il y a lieu de faire en ce qui te concerne. Nous serons de retour à Paris le 15 septembre. Il me semble que tu devrais rentrer le 20 au plus tard, de manière à reprendre un peu l’ambiance et de ne pas être trop dépaysée au moment de l’examen. Je me propose d’aller demain à Cahors pour retirer quelques sous desquels je prélèverai pour te l’envoyer le prix de ton billet. Dis-moi à quelle date précise on peut t’attendre.

Je suis heureux que tu aies appris à danser. Je me demande si je n’en ai pas été averti télépathiquement car voici quelques jours je me suis éveillé avec ce vers de Musset à l’oreille :

 

« Vous aimiez Lord Byron, les grands vers et la danse »

 

que j’ai toujours trouvé très beau mais auquel je n’avais plus pensé depuis longtemps. Il me semble que quand on le dit il se déroule comme une traîne. Non ?

Heisler  — qui est parti hier — nous a beaucoup aidés à l’aménagement intérieur de la maison. Je crois que ta chambre sera ravissante ainsi peinte en vieux rose, quel dommage que tu ne puisses la voir tout de suite. Pendant que je t’écris, Elisita passe le brou de noix sur les dernières poutres d’en bas : ainsi les trois pièces seront impeccables (indépendamment de la cave sur quoi donne, si tu te rappelles, la porte d’entrée de la façade, et du grenier dont le plancher a été entièrement refait, il reste encore cinq pièces susceptibles d’être aménagées plus tard, dont trois dans la tour). Cette maison est un rêve : nous ne nous lassons pas de penser qu’elle est à nous trois, dans un des plus beaux sites du monde. Elle est malheureusement cachée par le feuillage sur cette image en couleurs.

Trop occupé par les travaux d’installation extérieure et intérieure, je n’ai pu donner que très peu de temps à la chasse aux papillons (les pluies d’été ont d’ailleurs été très défavorables à leur éclosion). Impossible, en outre, de les ramener à Paris, faute de [trouver des] boîtes de cigares. Ils resteront ici, dans un ti[roir].

Hier, comme nous revenions d’accompagner à la gare Drahomira et Heisler, il s’en est fallu d’un rien — d’une seconde peut-être — pour que nous capturions un merveilleux petit écureuil qui ne savait pas encore très bien grimper ! il a tout de même réussi à nous perdre dans les broussailles. On ne peut rien voir de plus joli.

À bientôt bientôt n’est-ce pas, mon petit chéri. Elisa t’écrira. Je t’embrasse dans le sillage de ce petit écureuil.

André

 

Bibliographie

André Breton (éd. Jean-Michel Goutier), Lettres à Aube, Paris, Gallimard, 2009, p. 56 à 58

Librairie Gallimard

Date de création06/09/1951
Date du cachet de la Postesd
Adresse de destination
Notes bibliographiques

2 feuillets in-4°, 1 carte postale pliée en deux, 1 mandat

ProvenanceSaint-Cirq Lapopie, Lot
Lieu d'origine
Bibliothèque

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : Ms Ms 41363_58

Modalité d'entrée dans les collections publiquesDon Aube et Oona Elléouët à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, Paris, 2003
Crédit© Aube Breton, Gallimard 2009
Référence19004938
Mots-clés,
CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
Série[Correspondance] Lettres à Aube
Lien permanenthttps://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101000098
Lieu d'origine
Lieu d'arrivée