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Descriptif

Numéro six de La Révolution surréaliste, en fascicule, mars 1926.

N° 6-7 auxquels l'on joint un second numéro 7 sous couverture orangée. [catalogue de la vente, 2003]

Le sixième numéro de La Révolution surréaliste est publié le 1er mars 1926, sans réelle mention d’éditeur (on peut supposer qu’il est imprimé aux Presses de l’Union, comme un grand nombre de périodiques de l’époque).

Les archives d’André Breton permettent de voir un premier état du sommaire de la revue, fort fourni (https://www.andrebreton.fr/work/56600101002588).

Le groupe accentue son virage politique. Outre les linges blancs en couverture, à partir d’une photographie de Man Ray, qui symbolisent le défaitisme et l’antipatriotisme surréaliste, on trouve une publicité pour La Guerre Civile, revue censée naître du regroupement de Clarté, La Révolution surréaliste et Philosophies.

Après les événements de la guerre du Riff, les surréalistes se sont rapprochés de Clarté, journal culturel sous directe perfusion du Parti Communiste et sous la direction de Bernier, ainsi que du groupe Philosophies. Le souci commun de changer l’existence prend acte de la nécessité de la révolution « sous sa forme sociale », ce qui aboutit à la signature du texte La Révolution d’abord et toujours ! Les surréalistes ont aussi signé le 8 août un manifeste contre la répression des intellectuels en Pologne, le 28 août une « Lettre ouverte aux autorités roumaines » pour protester contre l’arrestation et le procès de 386 paysans bessarabiens. Le 16 octobre, ils signent avec Clarté et Philosophies une déclaration où ils affirment leur soutien au comité central d’action, condamné par la 11ème chambre correctionnelle. Le 17 octobre, ils écrivent un télégramme au président du conseil de Hongrie pour sauver Rakosi. L’article de Cuénot à ce sujet est fort complet (https://journals.openedition.org/chrhc/3522).

Clarté, à l’époque, est un jeune journal, lancé en 1919, tout entier acquis à la cause bolchévique, qui suit de près les débats sur la littérature prolétarienne en URSS, appelle à une littérature authentiquement révolutionnaire, et s’est distingué par une attaque somme toute fort brutale d’Anatole France, parangon de l’art capitaliste. Dirigée par Victor Serge, Jean Bernier et Victor Crastre, la revue prend des positions violentes et bénéfice du soutien du P.C. L’idée est donc prise, dès le 5 octobre, de rapprocher les deux groupes pour élaborer une nouvelle revue commune.

Les réunions se suivent durant le mois d’octobre. Breton en est nommé l’archiviste. Y perce une volonté manifester de faire la révolution « sous l’angle pratique », et de discipliner les jeunes surréalistes dissipés en mettant en place des amendes, des blâmes, des listes de présence, des listes de tâches à faire. Les surréalistes déclarent se mettre dans les rails du P.C., déclarant même : « « tout débat public ayant pour objet le PCF est contre-révolutionnaire », signe qu’ils se mettent à son entière disposition, avec une radicalité excessive, critiquant Barbusse, Monde, le dilettantisme européen, toute culture, etc.

Les surréalistes se rapprochent donc de Clarté, comme cela a été exposé par Victor Crastre (Le drame du surréalisme), Marguerite Bonnet (André Breton ou la naissance de l’aventure surréaliste) ou encore la très précieuse préface de cette dernière au deuxième volume des archives surréalistes chez Gallimard. Crastre louera, plus tard, l’enthousiasme des surréalistes, leur désir sincère d’être « actifs dans la propagande révolutionnaire ». Les surréalistes veulent créer un art proprement révolutionnaire, nommément la peinture surréaliste, devant laquelle tous les autres arts sont « contre-révolutionnaires ».

Le projet naît « un soir de janvier 1926 », au 42 rue Fontaine. Crastre évoque l’incertitude qui semble définir le projet de la revue, qui doit être bi-hebdomadaire : « Mission de dénonciation » ; « critique de la société bourgeoise et de ses valeurs culturelles », l’idée reste floue, tout comme le révèle la liste des titres envisagés, sans réelle cohérence, sinon un effet de charge sociale, de « belle violence » : « La Bataille ? Trop vague ; Commune ? Trop historique ? La lutte de classe ? Trop précis, au contraire, un peu limitatif ; l’émeute ? L’insurrection ? Un peu romantique. L’assemblée s’essoufflait ; l’heure avançait. Breton, les yeux irrités par la fumée, avait son visage des soirs de fatigue. Soudain quelqu’un évoqua le souvenir de la Guerre sociale, l’ancien journal d’Hervé, dont on trouvait le titre fort beau. L’un d’entre nous – Guitard, je crois – lança alors le mot de Guerre civile. Il y eut un silence ; Breton dit : « Pourquoi pas ? » et ce titre fut adopté aussitôt. On confie à Man Ray le soin d’élaborer une couverture rouge sang. Crastre est élu rédacteur en chef, Fourrier et Bernier ne pouvant laisser la place à l’autre, et Breton n’accordant pas sa confiance à Bernier. Le titre de la revue déclaré au commissariat du Vie arrondissement (pour la plus grande stupeur du greffier), les contributions sont attendues : elles sont fort maigres (Aragon, Breton, Péret, Leiris : à peine de quoi nourrir la moitié d’un cahier, selon Crastre). Le numéro 79 de Clarté indique que La Guerre civile ne paraîtra pas sans quelque retard (le 15 février) et révèle les tergiversations internes au groupe

Le projet, pour finir, par manque d'intérêt des surréalistes et absence de soutien du P.C., tournera court.

Néanmoins, la revue contient plusieurs textes antipatriotiques (« De l’usage des guerriers morts », d’Eluard, « La mort du lieutenant Condamine de la Tour » par Péret), une revue de la presse injurieuse et antinationaliste autant qu’anticolonialiste. Exposant les buvards du conseil des ministres, où s’exprime un inconscient « prisonnier de plusieurs hantises », Louis Aragon menace : « La Révolution Surréaliste a des oreilles. Elle voit tout, est partout, prenez garde. La garde qui sommeille aux barrières du Louvre est une invention purement inopérante en présence des doigts de l’esprit. Ils ont su se procurer des buvards, ils se procureront demain les plans qu’à grand fracas on dissimule, les fortifications et les masques à gaz. Elle livrera le tout à l’Allemagne. Ou à l’eau courante. » L’anticléricalisme est fort présent, avec le texte « Vive la mariée ! » d’Unik, l’invocation de Sade en première page,  et la célèbre formule du Surréalisme et la peinture : « Dieu, qu’on ne décrit pas, est un porc. »

Notons aussi le renouvellement de l’expression poétique par les « fatrasies » médiévales traduites par Georges Bataille, tandis que Breton donne un long poème désespéré.

Le tournant le plus radical s’exprime aussi dans la peinture : Breton attaque Braque vertement dans son article, et rature même une des nouvelles toiles « néo-classiques » de Chirico. A l’inverse, la revue accumule les détournements de photographies de presse (Rockfeller, Jury Femina), documentaires (« La Mer morte »), les objets extra-occidentaux (Cire du Mexique, Masque de Nouvelle-Irlande), et les toiles qui fondent maintenant la mythologie du groupe (Chirico, Ernst, Picasso, Masson, Arp, Man Ray), dont les surréalistes possèdent parfois l’original.

Les archives André Breton contiennent de nombreux manuscrits des textes, ainsi que de nombreux clichés inédits. [Site André Breton, 2023]

 

 

Notice Sudoc

Transcription par Henri Béhar sur le site Mélusine

Notes bibliographiques

Paris, s.é., n°6 de mars 1926.

Numéro6
Date d'édition01/03/1926
Éditionédition originale
ÉditeurJosé Corti, Paris
Référence9483000
Vente Breton 2003Lot 1131
Mots-clés,
CatégoriesRevues
Série[Manuscrits d'AB] Le Surréalisme et la peinture, [Revue] La Révolution surréaliste, [Revue] La Révolution surréaliste, 6
ExpositionSurréalisme..., MNAM Centre Pompidou | Centenaire du Manifeste du surréalisme
Lien permanenthttps://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600100999923
Lieu d'exposition