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Descriptif

Conférence qu'aurait dû donner Breton à la Journée internationale de résistance à la dictature et à la guerre organisée le 30 avril 1949.

En divers fragments, dont l'un est dactylographié, nous avons ici la conférence qu'aurait dû donner Breton à la Journée internationale de résistance à la dictature et à la guerre organisée le 30 avril 1949 par le Rassemblement démocratique révolutionnaire. L'enjeu est de s'opposer au congrès des Partisans de la paix (communistes) dont l'écrivain, ne se prévalant que de son rôle de « gardien du vocabulaire », tente de montrer qu'ils subvertissent la langue. Et de prêcher d'exemple : dans le fragment dactylographié, une longue citation de Bernanos prend la valeur d'une déclaration de liberté face à toutes les langues de bois. [site Atelier André Breton, 2005]

Manuscrit autographe signé et tapuscrit, 29 avril 1949.
- 5 pages in-4° foliotées, manuscrites à l'encre noire, datées et signées par Breton de cette allocution au meeting du 30 avril 1949 dans laquelle Breton évoque le changement de société, cite Georges Bernanos, Garry Davis, Paul Nizan et refuse les orientations de l'U.R.S.S. et des U.S.A :
« J'avoue supporter mal, impatiemment, l'image d'un Picasso donnant en public la parole à Ilya Ehrenbourg, " officier de la Légion d'Honneur ", dit l'affiche, en tous cas faux témoin patenté, le même qui entreprit de nous présenter, mes amis surréalistes et moi, comme des pédérastes et des maquereaux, ce pour quoi je me flatte encore de l'avoir corrigé de ma main. [...]
« Il faut que cette société soit changée de fond en comble. Elle ne changera pas dans le sang. Elle changera du jour où la justice qui n'était qu'endormie, s'éveillera au grand effroi de ses fossoyeurs et plus que jamais rayonnante s'assoira sur son tombeau. »

- 6 pages tapuscrites du texte presqe complet avec passage autographe et corrections par Breton.
(La PLéiade, Tome III, Inédits II, 1947-1953, pages 1107 à 1113). [catalogue de la vente, 2003]

Allocution au meeting du 30 avril 1949, 29 avril 1949.
Manuscrit autographe signé André Breton, 4 pages et demie in-4°. Suivi de: dactylogramme avec corrections autographes de 6 pages in-4°.
Manuscrit autographe de premier jet de ce texte politique fondateur d'André Breton, demeuré inédit de son vivant. Il est accompagné de la mise au net dactylographié, avec de nombreuses corrections autographes et 7 lignes autographes ajoutées à la fin. Ce dactylogramme est incomplet de la fin, correspondant à une demie page du manuscrit.
Ni Moscou, ni Washington.
Dans ce discours prévu pour la Journée internationale de résistance à la dictature et à la guerre, Breton dénonce tant le stalinisme que l'impérialisme américain et rappelle avec force le rôle de l'écrivain. Le discours ne fut finalement pas prononcé lors de ce meeting organisé par le Rassemblement démocratique révolutionnaire, en raison du tumulte déclenché par l'intervention d'un physicien américain, Carl Compton, en faveur de la dissuasion nucléaire. Les vives protestations des anarchistes et des trotskystes obligèrent les organisateurs à suspendre la séance. L'écrivain comme vigie - gardien des mots contre leur démonétisation par les politiques, prolégomènes aux tyrannies. Breton rappelle l'écrivain à son devoir, celui de défenseur de la langue. Car l'auteur de Nadja a saisi, à l'égal d'un George Orwell, que la corruption du langage est le signe avant-coureur de la tyrannie; lorsque les mots "paix", "socialisme" ou "démocratie" sont vidés de leur contenu réel, la voie est ouverte à toutes les dérives totalitaires. [L'écrivain] ne se propose rien tant que de secouer la léthargie de milieux intellectuels très étendus, de les placer devant leur responsabilité particulière, de leur enjoindre, au nom de ce qui les qualifie dans leur rôle propre, de se départir de cette tolérance stupéfiée chez les uns, méprisante chez les autres mais trop souvent opportuniste et poltronne, pour enrayer une bonne fois les méfaits de la pire intolérance, agissant au service du mensonge et de la haine. Ce qui me paraît avant tout justifier l' intervention de l' écrivain à cette tribune, c'est que, quelles que soient ses tendances spécifiques, il assume une charge dont il ne peut se démettre sans disqualification totale; celle de gardien du vocabulaire. C'est à lui de veiller à ce que le sens des mots ne se corrompe pas, de dénoncer impitoyablement ceux qui de nos jours font profession de le fausser, de s' élever avec force contre le monstrueux abus de confiance que constitue actuellement la propagande d'une certaine presse. Il s'érige contre l'usage abusif de mots-clés: Le dernier à avoir été cyniquement détourné de son acceptation courante jusqu' à l'exposer à perdre tout sens pour l'homme de la rue, c'est le mot paix. On vient en effet à un prétendu Congrès de la Paix dont les participants n'ont pas perdu une occasion de montrer qu' ils ne concevaient la paix qu'entre eux et surtout pas avec les autres. Qui, d'ailleurs, au moment même où ils prônaient la paix de ce côté de la terre, étaient on ne peut plus ardemment pour la guerre de l'autre côté, en Asie. (...) J'ai peine à tourner la tête vers tels de mes anciens amis qui se commettent dans cette galère à des postes de commandement qui m' épouvantent mais si nos regards se croisaient ce n'est certes pas moi qui baisserais les yeux. On ne leur demandera jamais assez compte d'avoir jeté le poids de leur oeuvre et le crédit que leur a valu leur attitude passée, triomphe après tout de l'esprit, dans le plateau de la domestication de l'esprit. Breton, apôtre de l'art indépendant. "L'appesantissement d'une main de plus en plus lourde et contraignante, accompagné d'une menace de ruine universelle imminente" oblige l'écrivain à "se dégager coûte que coûte". Se dégager, c'est refuser d'en passer par la filière, c'est proclamer à haute et intelligible voix que, quoi qu' il arrive, on ne se rendra aux arguments ni de l'une ni de l'autre des deux propagandes ennemies, qu'on est très loin d'avoir désespéré d'un sursaut de bon sens qui refonde la communauté humaine. Le discours se termine sur une diatribe contre les Etats Unis: J'abomine sa mainmise sous couvert d'argent sur l'Amérique Centrale, sur l'Amérique du Sud, je nie frénétiquement que sa stupidité de coca-cola puisse avoir raison de la vieille Europe... Et Breton de revendiquer: Il faut que cette société soit changée de fond en comble. Elle ne changera pas dans le sang. Elle changera du jour où la justice, qui n' était qu'endormie, s' éveillera au grand effroi de ses fossoyeurs et plus que jamais rayonnante, s'assiéra sur son tombeau. Cette allocution est bien plus qu'un texte de circonstance. Elle témoigne de la force polémique de Breton et de sa fidélité intacte au passé du surréalisme - "mes amis surréalistes et moi", comme il les mentionne dans son discours. Elle est aussi une preuve de son intégrité et de son courage intellectuel, refusant, quatre ans après la fin de la seconde Guerre mondiale, tant de s'inféoder à Moscou que de célébrer le triomphe du capitalisme américain. "Ces pages vibrantes, inspirées parlent d'elles-mêmes: sans commentaires" (Étienne-Alain Hubert, in Breton, OEuvres complètes, Pléiade, pp. 1107-1113) [cité par Gazette Drouot, étude Pierre Bergé et associés]

Exposition

- Cahors, Musée de Cahors Henri-Martin, La Maison de verre, André Breton, initiateur découvreur, 20 septembre - 31 décembre 2014

Bibliographie

 


- André Breton, (Édition de Marguerite Bonnet avec la collaboration de Philippe Bernier, Marie-Claire Dumas, Étienne-Alain Hubert et José Pierre), Inédits II, ŒŒuvres complètes, tome III, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1999, p. 1107-1113.

 

Date de création29-avr.-49
Date d'édition1949
Languesfrançais
NotesMs et Ts - encre noire
Référence513000
Vente Breton 2003Lot 2306
Mots-clés, , ,
CatégoriesManuscrits, Manuscrits d'André Breton
Série[Manuscrits d'AB] Manuscrits divers
ExpositionsAndré Breton, La Maison de Verre , Allocution au meeting du 30 avril 1949
Lien permanenthttps://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600100026850