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Lettre datée du 8 juin 1955
Auteur
Auteur André BretonPersonnes citées Matthew Gregory Lewis, Joyce MansourDestinataire Pierre Molinier
Descriptif
Lettre d'André Breton à Pierre Molinier, datée de Paris, le 8 juin 1955.
Transcription
Paris, le 8 juin 1955
Cher Paul [sic] Molinier,
que j’aie laissé passer quatre jours sans même vous accuser réception de vos toiles, voilà qui en dit assez long sur le mésusage actuel de mon temps, où précisément je ne trouve pas le moyen d’inscrire ce à quoi je tiendrais le plus. Je m’excuse vivement auprès de vous de ces déplorables manières.
De puis vendredi j’ai pourtant fait grand place dans ma vie à ces belles dames dévorantes que je rêvais de voir de près et que je me suis bien gardé de rigier si vite vers l’Etoile scellée. Je me suis laissé tant envahir de leur présence, les observant sous tous les éclairages possibles tour à tour et je ne suis pas parvenu à réduire leur mystère. Elles sont, d’ailleurs, fort intolérantes pour ce qui les entoure – mon atelier, trop clair, encombré aussi de trop d’images et d’objets avec lesquels elles n’ont rien à faire : ce n’est pas moi qui en disconviendrai. On aimerait leur faire les honneurs d’un lieu secret, vraiment à leur mesure. Qui est cette comtesse Midralgar, sans doute encore la plus troublante ? Est-ce de vous seul qu’elle tient son nom ? Qu’il s’agisse là d’oeuvres magiques au premier chef, d’emblée on s’en assure. Toutes les puissances de l’invocation répondent à ce jeu si périlleux et savant chez vous du dardé et du dérobé sur champ d’opale noire. On touche à ce haut moment du Moine de Lewis que traduit, dans l’originale, une petite vignette avec la légende : « Restez, enchanteresse, restez pour ma destruction ».
Je n’ai pu voir qu’un instant Mademoiselle Monique mais j’ai été heureux de l’entendre me parler de vous avec beaucoup de finesse et de charme. Puisqu’elle quittait Paris si vite, l’invraisemblable ne pouvait être sollicité plus avant. A vrai dire, je ne suis pas sûr que j’aurais tenté la présentation que vous suggériez, en raison du léger abus de confiance – même pour une excellente course puisque vous la désiriez – qu’elle supposait.
Mon cher ami, croyez que je suis profondément touché de plusieurs choses que vous m’avez dites : elles ont eu grand retentissement en moi. Elles ne pouvaient être le fruit que d’un intuition profonde et de grands dons d’intelligence par le cœur.
Joyce Mansour m’a fait tenir, un moment, le premier récit en prose qu’elle vit d’écrire et se propose de me dédier. C’est d’un humour et comme toujours d’une liberté de dire extraordinaires. Je suis obsédé du désir que cela paraisse (elle est certainement en mesure de le faire paraître) avec des dessins de vous, de l’ordre de ceux dont vous ornez vos poèmes. La consulter, il n’en est pas question (à quoi bon,d’ailleurs, et puis vous savez que je ne la connais pas même de vue !) Si vous disposiez de quelques instants en ce sens, je vous communiquerais le texte (trente-cinq pages dactylographiées, environ).
Croyez, cher Paul Molinier, à mon admiration et à ma profonde amitié.
André Breton
Date de création | 08/06/1955 |
Adresse de destination | |
Notes bibliographiques | Ms, encre bleue - deux pages signées. Enveloppe non conservée. |
Langues | français |
Lieu d'origine | |
Bibliothèque | |
Nombre de pages | 2 p. |
Crédit | © Succession André Breton |
Mots-clés | correspondance, lettre |
Catégories | Correspondance, Lettres d'André Breton |
Série | [Correspondance] Correspondance avec Pierre Molinier |
Lien permanent | https://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101001832 |