Descriptif
Collage et gouache sur une carte postale envoyée par Dalí à Breton en 1932 et utilisée par Georges Hugnet pour La carte postale surréaliste de Salvador Dalí.
Inscrit en bas : « La mélancolie extatique etc. etc. (imprime ici) » ; signé et titré au dos : Salvador Dalí : « La mélancolie extatique des chiens, gâteuse comme une vertigineuse descente en ski. »
Original utilisé pour La carte postale surréaliste de Salvador Dalí, éditée par Georges Hugnet (une des 21 de la série).
« Cette image figurait en 1936 parmi la série des "cartes postales surréalistes"... Sur cette carte genre "sports d'hiver", envoyée à André Breton un jour de 1932, Dalí a collé un chromo représentant des chiots, et donné là où il faut quelques traits de plume, de sorte que les skieurs de la quelconque image alpestre deviennent insensiblement les yeux chassieux desdits chiots. » Edouard Jaguer (Les mystères de la chambre noire, Paris, Flammarion, 1982, p. 69).
« Les artistes présentent en commun avec les malades paranoïaques un certain nombre de... dispositions, qui tiennent à leur fixation à la période de narcissisme secondaire (réincorporation au moi d'une partie de la libido et, par suite, d'une partie du monde extérieur, cette partie de la libido étant déjà projetée sur les objets doués de valeur subjective, c'est-à-dire essentiellement sur les objets parentaux, d'où allègement des contraintes répressives, accomodation avec le mécanisme auto-punitif du surmoi). C'est sans doute dans la mesure même où l'artiste est apte à reproduire, à objectiver par la peinture ou par tout autre moyen les objets extérieurs dont il subit douloureusement la contrainte, qu'il échappe pour une grande part à la tyrannie de ces objets et évite de verser dans la psychose proprement dite. La sublimation, qui s'opère en pareil cas, semble le produit simultané, à l'occasion d'un trauma, du besoin de fixation narcissique (de caractère sadique-anal) et des instincts sociaux (érotisation des objets fraternels) appelés à se manifester électivement à cette période.
» La grande originalité de Salvador Dalí est de s'être montré de force à participer à cette action à la fois comme acteur et comme spectateur, d'avoir réussi à se porter mi-juge, mi-partie au procès intenté par le plaisir à la réalité. En cela consiste l'activité paranoïaque-critique telle qu'il l'a définie : "méthode spontanée de connaissance irrationnelle basée sur l'association interprétative-critique des phénomènes délirants". Il est parvenu à équilibrer en lui et en dehors de lui l'état lyrique fondé sur l'intuition pure, tel qu'il ne supporte d'aller que de jouissance en jouissance (conception du plaisir artistique érotisé au possible) et l'état spéculatif fondé sur la réflexion, tel qu'il est dispensateur de satisfactions d'un ordre plus modéré, mais d'une nature assez spéciale et assez fine pour que le principe du plaisir s'y retrouve.
» Il est bien entendu qu'on a affaire, avec Dalí, à une paranoïa latente, de la sorte la plus bénigne, la paranoïa à paliers délirants isolés,... dont l'évolution est à l'abri de tout accident confusionnel. Chez lui l'intelligence, de tout premier ordre, excelle à relier après coup, mais aussitôt, ces paliers les uns aux autres, à rationaliser par degrés la distance parcourue. Les expériences visionnaires vécues, les falsifications pleines de sens de la mémoire, les interprétations illicites ultra-subjectives qui composent le tableau clinique de la paranoïa lui fournissent la matière première de son œuvre, elles sont regardées, elles sont données par lui comme le filon précieux. » André Breton (Le surréalisme et la peinture suivi de Genèse et perspective artistiques du surréalisme et de Fragments inédits, New York, Brentano's, 1945, pp.145-147)
« Les membres du groupe surréaliste appréciaient la carte postale pour son "mélange de naïveté, d'érotisme, de fantaisie et de poésie involontaire qui s'y manifestait souvent, ou pour le talent des dessinateurs Modern Style" et l'utilisaient couramment pour leur correspondance ou la collectionnaient.
» Mais, comme elle avait servi comme puissant instrument de propagande aux deux camps pendant la Première Guerre, les surréalistes commencèrent à la détourner par addition de collage ou de motifs gouachés.
» [...] En 1937, l'édition par Georges Hugnet d'une "première série" (qui restera unique) de cartes postales, dont le verso porte, à l'imitation d'un tampon postal, l'inscription circulaire "la carte postale surréaliste garantie" (l'idée est de Man Ray) vient confirmer cet intérêt, mais suggère également que le Groupe entend trouver dans la carte postale un moyen de diffuser quelques images significatives de ses choix. Espoir sans doute déçu, car l'opération n'est pas une réussite financière.
Ces vingt et une cartes, tirées en sépia (sur fond jaune, vert ou blanc) reproduisent des œuvres préexistantes - à l'exception, semble-t-il, de celle de Picasso...
» Parmi les artistes ayant participé à l'entreprise, on peut énumérer André Breton, avec un poème-objet et Salvador Dalí avec La mélancolie gâteuse des chiens comme une vertigineuse descente de ski, "bel exemple d'image double".
[...] Objets, peintures, montages, dessin : l'inventaire des techniques reproduites va de pair avec une thématique du désir, de la violence sous-jacente, de la surprise et de la poésie qui garantit la représentativité de ces cartes par rapport aux valeurs que défend le Groupe. » Gérard Durozoi (Histoire du mouvement surréaliste, Paris, Hazan, 1997, pp.331-333 - toutes les citations de ce dernier fragment sont prises dans cet ouvrage).
Expositions
- Paris, Galerie de l'Œil, L'Écart absolu, La XI
e Exposition internationale du Surréalisme (générique par André Breton), 1965, rep. n°20, n° 26
- Paris, Musée national d'art moderne/Centre Georges Pompidou, André Breton, la beauté convulsive, 1991.
Bibliographie
- José Pierre, Le surréalisme, dictionnaire de poche, Paris, Hazan, 1973, rep.p.133, pp.132-133
- Edouard Jaguer, Les mystères de la chambre noire, Paris, Flammarion, 1982, rep.p.69
- José Pierre, André Breton et la peinture, Lausanne, Editions l\'Age d\'Homme, 1987, rep. n° 79, s.p.
- Paris, Musée national d'art moderne - Centre Georges Pompidou, André Breton, la beauté convulsive, 1991, rep.p. 288
- Gérard Durozoi, Histoire du mouvement surréaliste, Paris, Hazan, 1997, rep.p.332, n° 19, pp.331-333
Lieu d'exposition
Notice reliée à :
2 Œuvres
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