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Encre sur papier de Jacques Le Maréchal exposée à la galerie Cordier en 1960, lors d'une exposition monographique présentée par André Breton.
Encre sur papier titrée en bas à droite : L'imperceptible abîme.
« Il y avait des visions derrière la gaze des rideaux : Rimbaud ne pardonnera pas à Musset de les avoir ignorées par paresse. Depuis lors, le monde a tourné et si, de nos jours, il est un sentiment qui se précise, c'est que le mouvement d'horlogerie qui le constitue s'est déréglé. Ce dérèglement résulterait, au dire des savants, de bombardements de particules solaires d'une violence sans précédent tout au moins historique. Le commun des mortels, toutefois, préfère l'imputer à la folle témérité des expériences atomiques. Du moins les uns et les autres s'accordent-ils sur ce point, d'importance vitale : le présent état de choses est lourd de conséquences sur les plans géophysique, chimique, biologique et psychologique; ces conséquences se font déjà sentir. La "raison" y va de sa cloche d'alarme très sourde, mais c'est dans les profondeurs de l'être qu'un véritable glas est sonné.
« Et la gaze des rideaux, que devient-elle dans tout cela ? C'est à jamais derrière elle que cherche à voir le poète, l'artiste. Cette gaze est aujourd'hui lacérée mais rien ne peut empêcher que les visions s'y accrochent toujours. Le propre de ces visions est de se confronter en filigrane avec celles de tous les temps, moyennant quoi, de recul en recul, par là de contour en contour, elles en viennent à épouser celles de l'Apocalypse, plus actuelles que jamais.
« C'est là que, de la pervenche de son œil, avec ces mouvements de bras qui lui servent à exprimer qu'il n'en peut mais, quoiqu'il y intervienne pourtant de son mieux, Le Maréchal épie les suites qui nous sont réservées. Il est le seul qui sache que les visions sont une gaze encore, derrière laquelle se tapissent d'autres gazes à vision, et ainsi de suite : d'où son désespoir d'avoir à compter avec le temps humain qui lui arrache ses œuvres sans qu'il ait pu les finir (entendez : remonter, d'écorce en écorce, jusqu'au noyau incandescent). Ainsi en fut-il de maint grand visionnaire, tel Gustave Moreau, dont les œuvres capitales ont été abandonnées, comme on dit, "en cours d'exécution", en réalité parce qu'elles frôlaient l'abîme et fleuraient l'interdit. De telles œuvres, il est de leur nature de demeurer ainsi suspendues et ce n'est pas ce qui nous les rend moins chères.
« Le bonheur bien réel, triomphant en fin de compte de toutes arrière-pensées, que nous procurent les œuvres de Maréchal tient sans doute pour une part au prétexte ingénu qui les inspire. Au regard qu'a promené Henri Rousseau autour de la Tour Eiffel, du Cinquantenaire de l'Indépendance en 1892 ou de la navigation aérienne de 1907 répond, sans avoir rien perdu de sa fraîcheur en dépit de la nuance pessimiste qui s'impose, le regard que Le Maréchal porte à la fois sur l'Empire State Building et les gouffres qui le mesurent, sur le régime institué un 13 mai dans le pays où il vit et sur la prétendue domination de l'espace, où l'homme s'apprête à relayer la souris, le chien et le singe. Là se tient notre ami Le Maréchal en posture de voir par-delà "le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie". » André Breton (Paris, Galerie Raymond Cordier, Le Maréchal, 1960).
Exposition.
- Paris, Galerie Raymond Cordier, Le Maréchal (présenté par André Breton), 1960, n° 13
Langues | français |
Notes | 21,8 x 26 cm (8 5/8 x 10 1/4 in.) - Encre sur papier, sd |
Provenance | Atelier de l'artiste |
Vente Breton 2003 | Lot 4334 |
Mots-clés | arts graphiques |
Catégories | Œuvres graphiques |
Lien permanent | https://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600100591070 |