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Lettre sans date (4 ou 5 septembre 1925)
Auteur
Auteur Louis AragonPersonnes citées Georges Auric, Pierre Drieu La Rochelle, Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Emmanuel Kant, Maurice Martin du Gard, Baruch Spinoza, Antonin Artaud, Jean Cocteau, Paul ÉluardDestinataire André Breton
Descriptif
Lettre de Louis Aragon à André Breton, sans date, envoyée de Sauveterre-de-Béarn, sans doute le 5 septembre 1925.
Transcription
Je t’aurais répondu il y a longtemps, mais cela ne peut s’écrire. Trop de choses se lèvent aujourd’hui de toutes parts, et déjà tout me devient étranger, lointain. Le mieux que je puisse faire, que je fasse, est de quitter une bonne fois le ton affectif. Que veux-tu, tout ceci est à prendre froidement, ce sont nos affaires. Cette déclaration [NdE : La Révolution d'abord et toujours !] d’abord.
N’est-ce pas qu’il soit dit une bonne fois que tout est entendu, je n’ai pas le plus petit regret, etc. Pour les conséquences... quand je songe à celles des actes insignifiants, inévitables. Mais c’est alors que j’ai envie de faire des objections. Je n’en ferai pas contre ce texte, je sais de quoi il est sorti. Il était indispensable. Mais qu’on ne se livre à cet exercice que quand celui-ci sera à nouveau indispensable. Attention au système des déclarations. Et tu sais bien qu’on va nous en demander une autre, une autre. Il faudra être extrêmement sec.
(Oui, je sais : Hegel, moins grave que la présence de Spinoza et Kant, moins grave que le paragraphe sur la haute finance, qui contient des sottises incroyables, mais après tout !)
Si nous considérons les divers accidents qu’un tel texte à élaborer comporte, nous voyons surtout que ce qui manque aux signataires c’est un DOGME. Un dogme qui les limite. Qu’on leur objecte. À leur sottise. Cela me semble notre seule défense possible. Ils vont tous tirer à eux la couverture. Chacun avançant la première chose qui lui passe par la tête. À tout hasard. Et il ne faut pas de ça. Pas de surréalisme, hein ? Je sais trop ce que ça deviendrait. Exemple : Dada.
C’est d’ailleurs ce dernier fantôme qui de temps en temps se réveille. Contre lui je serai impitoyable. Contre lui toutes les armes sont bonnes. Merde à ceux qui ont compris.
Il y aurait aussi à décider, à forcer les gens à décider de ne pas mêler les questions. Tu comprends, et ce mauvais exemple en vaut un autre, ne pas laisser quand il s’agit du
Maroc parler de Cocteau. Ça a l’air puéril. J’ai éprouvé récemment avec un agacement incroyable que cela nous menaçait à tout instant.
Puisqu’il y a politique, il faut songer à une autre politique. Et pas d’amour-propre. C’est dans cet esprit que j’ai écrit à Éluard, comme je le fais à toi (n’est-ce pas Éluard
qui doit corriger les épreuves de La R[évolution] S[urréaliste] 5 ?), de supprimer ma petite note sur La NRF. Mon orgueil ici n’a plus à jouer, cette question personnelle n’est
pas à verser au débat. Ou bien je devais refuser de laisser paraître honteusement ma réponse. (Au fait il paraît que les journaux en parlent, je n’ai encore rien vu.) Il faut
qu’Artaud, Éluard, tous ceux qui voudront collaborent à La NRF. Ça ne les regarde pas, les mauvais cas dans lesquels JE me suis mis. Ceci très ferme.
Je ne te parle pas de mon existence. Sujet périmé. Huit jours à S[ain]t-Jean-de-Luz. Vu Lise. De retour à Bétouzet, avec Auric. Revu [Maurice] M[artin] du Gard. Celui-ci tout préoccupé de sa compromission par nous. Si j’avais envie de rire : il est vrai qu’il reçoit des lettres insensées, la maison Larousse, etc. Bon, il en sera tenu compte. À moins que j’oublie.
Hélas nous ne serons pas arrêtés. Un bel hiver s’annonce. Ce qu’il y a de folie partout. (Tu sais que la lettre-réponse de Drieu à moi se termine par : « Je prierai pour toi. »)
Aucune exaltation de ma part. Parfois je me perds complètement dans la campagne. Alors je me demande, je me demande. Nous sommes réellement en prison. C’est ennuyeux à penser, mais une fois que c’est fait, c’est fait. Je ne suis pourtant pas soucieux de mon sort.
Reviens-tu bientôt à Paris. Moi la semaine prochaine je pense.
Affectueusement,
Louis A.
Bibliographie
Louis Aragon, Lettres à André Breton, ed. Lionel Follet, Gallimard, Paris, coll. « Blanche », 2011, p. 351-353.
Librairie Gallimard
Date de création | 05/09/1925 |
Adresse de destination | |
Notes bibliographiques | Ms, une page - Un feuillet 210 × 251, recto-verso. Suscription : Hôtel Beau Rivage, Nice ; réexpédition : « Hôtel du Château / Thorenc. » CP dép. illisible. Au crayon, d’une main étrangère : « 6 septembre » (sans doute CP arr. au verso). |
Langues | français |
Lieu d'origine | |
Bibliothèque | Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : Librairie Gallimard |
Modalité d'entrée dans les collections publiques | Don Madame Louis Solvay |
Dimensions | 21,00 x 25,00 cm |
Crédit | © Succession Aragon |
Mots-clés | lettre, revue, revue "la révolution surréaliste", tract ou déclaration collective |
Catégories | Correspondance, Lettres à André Breton |
Série | [Correspondance] Lettres de Louis Aragon, [Revue] La Révolution surréaliste, 5 |
Lien permanent | https://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101001955 |