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Descriptif

Lettre d'André Breton à Simone Kahn, datée du 2 février 1925.

 

Transcription

4 février 1925

Je suis très fatigué aujourd’hui et dans mes mauvais jours, petite Simone, me pardonnes-­tu. Ça tombe d’autant plus mal que tu m’as écrit une lettre si belle, si rassurante et si tendre que j’aurais envie d’y répondre un peu plus dignement. Mais je ne suis jamais demeuré plus de deux jours sans t’écrire et j’en serais trop malheureux moi-­même. Il est vrai que je t’ai adressé hier Deuil pour deuil et que ce livre me remplace sans doute (beaucoup) auprès de toi.

Le déjeuner chez Foyot s’est bien passé. Il n’y avait que Madame de Bassiano, Paulhan, Aragon, Éluard et moi. Cette personne est vraiment très agréable, tellement plus fine qu’on ne s’y attendrait, et puis toujours rieuse et nous traitant comme des enfants. C’est la simplicité et le tact les plus parfaits. Elle est enchantée de publier la pièce de Büchner Léonce et Léna et insiste beaucoup pour que Denise consente à traduire deux autres œuvres du même auteur ; Aragon lui dira lesquelles. Tu pourrais, ma chérie, en parler tout de suite à Denise, de crainte qu’Aragon ne tarde à le faire. Il n’est pas douteux qu’une fois ces trois textes parus dans Commerce, Gallimard les réunisse très volontiers en livre, ce qui à tous points de vue ne manquera pas d’intérêt.

Le manifeste ne paraîtra que vendredi.

J’attends tout à l’heure Pierre de Massot, sans enthousiasme.

Nous corrigeons les dernières épreuves de la revue. Le petit ange sera grondé et peut-­être même battu pour m’avoir raconté un vilain rêve, un « mauvais rêve » au sens où l’entend Artaud  : le petit ange a des pensées bien coupables, pour un ange.

« Parmi les textes surréalistes, qui nous fournissent des preuves surprenantes de ce que cette liberté va donner à l’art, ceux de Robert Desnos, de Louis Aragon, mais surtout de S.B., dégagent une poésie de sources chimériques.  » (Le Radeau, 1er numéro). Voilà pour le carnet de coupures de ma petite Simone.

Pas de nouvelles de l’hebdomadaire avec Morhange. Artaud ne revient que lundi ou mardi. On voit maintenant Tual et Leiris à Cyrano.

Il y a dans Le Radeau n° 1, outre un article sur Les Pas perdus : « André Breton est l’homme le plus disponible de l’Europe » (hélas !) un pamphlet très violent contre l’Occident : « Orient et Occident », par René Guénon. Dire qu’il ne va plus être question, longtemps, que de cela… Ne trouves-­tu pas cela drôle, un peu inquiétant aussi ?

Ma petite Simone bien-aimée, aujourd’hui il ne faut pas trop t’occuper de moi. J’envoie un grand coup de chapeau à Max Morise, très cérémonieux. – Donnez-­moi vos chères mains.

André

 

 

Librairie Gallimard

Date de création04/02/1925
Date du cachet de la Poste04/02/1925
Notes bibliographiques

André Breton, Lettres à Simone Kahn, ed. Jean-Michel Goutier, coll. « Blanche », Gallimard, Paris, 2016, p. 233-234.

Languesfrançais
Crédit© Successions André Breton, Simone Kahn et éditions Gallimard
Référence0123462
Mots-clés, ,
CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
Série[Correspondance] Lettres à Simone Kahn
Lien permanenthttps://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101001875