La Collection

Accueil > Œuvres > [Je vous remercie de votre lettre...]

[Je vous remercie de votre lettre...]

Lettre datée du 14 septembre [1932]

Correspondance

Auteur

Auteur Tristan Tzara
Destinataire André Breton
Personnes citées Greta Knutson (ép.Tzara), Jean Cassou, Jean Cassou, Paul Éluard

Descriptif

Lettre de Tristan Tzara à André Breton, datée de Vézelay, le 14 septembre 1932.

 

Transcription

Vézelay, le 14 septembre 1932.

Mon très cher ami,

Je vous remercie de votre lettre qui nous a fait à Greta et à moi, le plus grand plaisir, sauf en nous apprenant que vous n’avez pas eu de chance pendant votre séjour à Cadaquès. Éluard m’annonce dans une carte des plus laconiques votre retour à Paris qui sera suivi du sien le 18, je crois ; nous ne tarderons pas à l’imiter d’ici une dizaine de jours, sûrement. C’est réellement grand dommage, pour nous, que vous n’ayez pas reçu ma lettre à temps, car j’aurais été ravi que vous veniez ici. Et à Paris, que se passe-t-il ? Cassou dans son article avait l’air bien embarrassé de parler de nous. On verra bientôt ce que sera celui de son voisin. Sans qu’on puisse préciser, on sent de partout de curieuses pressions. – Avez-vous lu les derniers résultats de la fornication de Renéville avec le NOM-NON ? L’hypocrisie de Gide à propos de l’U.R.S.S. n’est pas moins remarquable. Et Cocteau qui aurait plu à Nietzsche est une trouvaille géniale. N’y a-t-il plus d’espoir qu’en un balayage général ? Comme tous les jours il s’effrite un peu plus de cet espoir, j’ai une très grande envie de m’en aller pour un an ou deux, mais je ne sais pas encore où. Partout ailleurs on a l’impression qu’il se passe quelque chose. Paris est devenu sourd et glutineux ; quand j’y pense de loin, j’ai toujours l’impression de me débattre dans des paperasses. C’est une consolation pour moi de savoir que parmi le peu de joie que j’y trouverai, il y aura celle de vous revoir.

Dimanche 

Excusez-moi, mon cher ami, d’avoir interrompu ma lettre. Je viens de rentrer après avoir fait un tour dans ce pays qui, sans ressembler aux autres, n’échappe pas à la désolation de ces jours-ci. Avez-vous déjà reçu l’article (en roumain) que je vous envoie ci-joint ? On m’a consacré à moi un autre article et je ne sais pas pourquoi on m’assigne un peu partout une place à part. C’est certainement parce que ma situation par rapport au Surréalisme, vue de l’extérieur, paraît être d’ordre spécial (non-collaboration au Nos 2 et 3 du S.a.s.d.l.R. etc.). Je viens de lire l’annonce de This Quarter dans « Lu » qui est trop bien faite pour que j’en attribue la paternité à Titus, et qui situe les origines du Surréalisme vers 1919. (Selon moi, cette date prête à confusion : les origines du Sur. peuvent se rattacher soit au Romantisme soit au début de votre activité littéraire, mais toute la documentation montre pour 1919 un caractère nettement dada). Je me demande donc si je ne dois pas voir dans cette affirmation un désaveu de mon exposé historique du n° 4 du Sur. A.s.d.l.R., car en tant que collaborateur de This Quarter, ou [deux mots raturés] j’approuve cette assertion, ce qui serait m’amener à me contredire, ou je suis censé occuper au sein du groupement une situation spéciale, un peu à la périphérie et singulièrement passive. J’aimerais, dès mon retour à Paris, éclaircir avec vous, dans le sens le plus amical, cette question, ne serait-ce que pour éviter certains empoisonnements toujours possibles. Je dis « avec vous », car les autres surréalistes ne sauraient s’intéresser à une affaire d’ordre purement personnel et il va sans dire que ma confiance vous reste entière.

Je suis par ailleurs très curieux de voir ce N° de This Quarter et surtout de lire les textes dont je n’ai pas pu prendre connaissance.

Vous connaissez, mon cher ami, la difficulté que j’ai pour écrire des lettres et je vous prie de ne voir dans celle-ci aucune attitude agressive de ma part, – je tiens trop à votre amitié pour ne pas vous attirer l’attention sur une tactique de précipitation qui trop souvent viole les méthodes de discussion que nous avons adoptées usqu’à présent.

J’ai hâte de vous revoir, mon cher ami (pas uniquement, croyez-le, pour ce que je viens de vous dire) et je vous envoie, ainsi qu’à Valentine, toutes mes amitiés et mon affection.

Votre Tzara.

Greta me prie de vous transmettre ses plus sincères sympathies.

 

 

Bibliographie

André Breton, Correspondance avec Tristan Tzara et Francis Picabia, éd. Henri Béhar, Gallimard, Paris, 2017, p. 136-138.

 

Librairie Gallimard

Date de création14/09/1932
Date du cachet de la Poste19/09/1932
Notes bibliographiques

Ms, encre noire - cinq pages signées.

Enveloppe conservée.

 

Languesfrançais
Lieu d'origine
Bibliothèque

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BRT C 1650

Dimensions13,60 x 20,90 cm
Nombre de pages5 p.
Référence19002648
Mots-clés,
CatégoriesCorrespondance, Lettres à André Breton
Série[Correspondance] Lettres de Tristan Tzara
Lien permanenthttps://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101001747
Lieu d'origine