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Descriptif

Lettre d'André Breton à Jacques Doucet, sans adresse, le 1er septembre 1923.

 

Transcription

Samedi 1er septembre 1923

Très cher Monsieur,

Éluard et un autre de mes amis, Marcel Noll, sont venus passer deux jours à Lorient. Ils nous ont quittés hier soir. Notre séjour en Bretagne s’en trouve heureusement abrégé et je vais attendre avec un peu moins d’impatience le 10 septembre, jour probable de notre rentrée à Paris.

J’avais remarqué comme vous, dans le dernier numéro d’Intentions, l’excellente prose de Max Jacob. Voilà à quoi nous n’étions plus habitués de sa part, il y a si longtemps qu’il force son talent, et cela pour sacrifier sottement à la mode qui place aujourd’hui plus haut que la poésie les plus mauvaises élucubrations psychologiques. Le malheur est que Max Jacob retombera dans son erreur à la première occasion.

Je suis hanté depuis plusieurs jours de l’envie d’aller rendre visite à l’un des poètes que je tiens pour les plus purs et les plus authentiques de la fin du siècle dernier, je veux parler de Saint-Pol Roux qui vit si je ne me trompe à Camaret, dans le Finistère, indifférent à la gloire comme à l’oubli. Une telle attitude est faite pour en imposer aujourd’hui plus que jamais et je voudrais donner à Saint Pol Roux l’assurance qu’elle n’est pas vaine tout‑à‑fait.

Mes deux livres sont à la composition ; je retarderai d’ailleurs la distribution du livre de vers jusqu’à l’apparition des « Pas perdus », qui autrement serait capable de me concilier une fraction de l’opinion à laquelle je ne tiens pas.

Un livre de poèmes d’Éluard « Mourir de ne pas mourir » va paraître à la N.R.F. dans la collection : Une œuvre, un portrait. Il est aussi question de publier à la même maison d’éditions le livre de poèmes de Desnos que je tiens, vous le savez, Monsieur, comme absolument capital : « Désordre formel ». Péret va également éditer un livre de poèmes : « La Mare aux Mitrailleuses ». C’est vous dire que nous n’avons pas l’intention cette année de rester inactifs et que, dans une certaine mesure, nous espérons bien faire la partie moins belle à un certain nombre de producteurs littéraires sans intérêt.

Ma femme m’a fait part de votre lettre qui la touche vivement. Elle a souffert d’un panaris occasionné par une piqûre d’aiguille et c’est sans doute ce qui a été la cause déterminante et d’abord insoupçonnée de cette fièvre qui m’inquiétait. Maintenant elle va mieux et me charge de vous remercier de tout cœur de l’intérêt qu’en toute circonstance vous lui témoignez.

Je n’ai plus de nouvelles d’Aragon depuis quelques jours. Je suis aussi sans entendre parler de Picabia, à qui je remets toujours d’écrire. Baron et Crevel m’ont adressé plusieurs lettres d’excuses auxquelles je n’ai pas jugé bon de répondre, ces lettres mettant en cause Desnos, dont la conduite m’a toujours semblé parfaitement digne et de l’incorruptibilité de qui je réponds comme de la mienne.

M. Clément Vautel, dans le Journal de lundi ou mardi et dans celui d’hier, continue de se plaindre ignoblement des grands hommes et de Stendhal.

Je vous prie de croire, cher Monsieur, à ma très grande et très dévouée affection.

André Breton.

24 rue Amiral Courbet
Lorient (Morbihan)

 

Bibliographie

André Breton, Lettres à Jacques Doucet, éd. Étienne-Alain Hubert, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 2016, p.155-157.

 

Librairie Gallimard

Date de création01/09/1923
Notes bibliographiques

 Deux pages sur un feuillet 27 × 21 cm.

Languesfrançais
Lieu d'origine
Bibliothèque

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BLJD 7210-36

Dimensions21,00 x 27,00 cm
Crédit© Aube Breton, Gallimard 2016
Mots-clés,
CatégoriesCorrespondance, Lettres d'André Breton
Série[Correspondance] Lettres à Jacques Doucet
Lien permanenthttps://cms.andrebreton.fr/fr/work/56600101001035
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