Les manuscrits d'André Breton en ligne...
Je profite d’une date anniversaire qui concerne le poète André Breton pour consacrer cette chronique aux interfaces numériques qui nous permettent aujourd’hui, depuis nos ordinateurs, de consulter librement ses manuscrits mais aussi ses archives de travail. Je rappelle qu’André Breton est né en 1896, qu’il est mort en 1966 et que c’est à lui que l’on doit le Manifeste du surréalisme, le coup d’état poétique survenu en 1924, qui a formalisé tout le courant qu’il a co-fondé, un courant que l’on connaît bien et qui a marqué autant l’histoire littéraire que l’histoire de l’art plus généralement.
Ce manifeste, a été publié il y a tout pile 100 ans. Il se trouve dans la préface du recueil “Poisson soluble” d’André Breton. Et c’est justement, à l’occasion de ce centenaire, que Gallica (la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France) a ajouté à son catalogue, certains manuscrits originaux du poète.
Une œuvre généreusement partagée par la fille du poète
Rappelez-vous les quelques exemples de textes numérisés et disponibles à la consultation que je vous ai citées cette année, c’était à chaque fois des œuvres qui étaient tombées dans le domaine public, de part leur ancienneté. Pour les textes d’André Breton, il aurait fallu attendre 2037 pour y avoir accès de la même manière... Cependant, et grâce à la fille du poète, Aube Elléouët Breton et une action qu’on appelle une “mise à disposition anticipée”, la BNF a pu proposer les textes d’André Breton en libre accès dès cette année. Il faut dire d’ailleurs que jusqu’à présent la BNF était assez pauvre en manuscrits surréalistes, les textes originaux étaient plutôt conservés à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, dont Breton et Aragon avaient en partie constitué les collections, et à la bibliothèque Kandinsky du Centre Pompidou.
L'association de l'Atelier André Breton
Il s'agit d'une association créée en 2005 à la suite de la vente de l’atelier du poète, qui se trouvait rue Fontaine à Paris, dans le 9ème arrondissement. Très vite, un site internet a été fondé pour donner à voir ce lieu, notamment par des photographies en noir et blanc de l’atelier dans son jus, un atelier qui ressemble à un drôle de cabinet de curiosités. Et puis au fur et à mesure des années, le site est devenu un endroit où regrouper toutes les archives du poète. Encore aujourd’hui le site continue d’être mis à jour régulièrement. On y trouve des textes, des correspondances, des photos, des objets, des cartes postales… La liste est longue. L’idée de cette initiative c’est de constituer la plus grande banque de données possible pour permettre aux chercheurs et aux chercheuses du monde entier mais aussi à tous les gens qui s’intéressent à Breton ou au surréalisme de pouvoir consulter l’ensemble de ces ressources.
De célèbres manuscrits
On trouve les textes emblématiques du poète comme les sept cahiers de Poisson Soluble, qui comme je le disais, date de 1924 et dans lesquels Breton renoue avec l’écriture automatique qu’il avait pratiqué un peu plus tôt dans son parcours avec l’écrivain Philippe Soupault, co-fondateur lui-aussi du mouvement surréaliste. Il y a aussi le premier et le second manifeste du surréalisme. Le second manifeste n’est pas un texte qui corrige ou remplace le premier manifeste, il a plutôt été écrit pour noter les évolutions du mouvement.
Et puis bien sûr dans les textes particulièrement consultés, il y a évidemment le manuscrit de Nadja, qui est sans doute l’un des textes les plus connus d’André Breton, qui date de 1926, qui est souvent dans les programmes scolaires, et qui raconte la rencontre amoureuse entre le poète et une femme dans Paris, Léona Delcourt qui se faisait appeler Nadja… On a même accès au petit carnet préparatoire dont on ignorait l’existence jusqu’en 2019 et qui donne à voir le processus d’écriture de ce texte.
Tous les textes autographes (donc écrits de la main du poète) ont en commun qu’ils sont énormément raturés. C’est le cas aussi dans les versions dactylographiées, sur les épreuves de ses livres… On voit vraiment les corrections apportées au fil des relectures. On imagine bien comme ces documents de travail sont précieux pour celles et ceux qui étudient l'œuvre de Breton et pour celles et ceux qui aiment le lire !
Pour en savoir plus
Pour découvrir les manuscrits ça se passe sur le site de Gallica et pour admirer les photos de l’atelier de la rue fontaine, lire les correspondances, observer les objets loufoques d’André Breton, ça se passe sur le site consacré : andrebreton.fr
Lou Quevauvillers, France Culture, 18 juin 2024
Dates | 18/06/2024 |
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