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sans titre

Drawing

Author

By (artist) Roberto Echauren Matta

Description

Crayon, crayons de couleur et estompe sur papier, daté aux environs de 1939.

Signé en bas à droite : Matta.

Roberto Echauren Matta
« Le point critique (fonction de la "pression critique" exercée sur l'individu par le monde extérieur et du "volume critique" conçu comme résistance propre de l'individu à cette pression) par analogie dans le domaine de la création intellectuelle permettrait seul d'expliquer ce phénomène de crise. En ce qui concerne Matta, l'heure n'est pas venue de l'éclairer psychologiquement (biographiquement).
« Tenons-nous en à ce qu'il rapportait - telle l'amande de l'explosion, qui eût germé - le germe : une structure fragile, diaphane, mais se dégageant au possible de tous ces éclats fascinants comme de toutes ces boues douces-amères de creuset (1938-1944), une forme hiératique toute tendue de volonté bien qu'à ses extrémités encore secouée de décharges électriques et parcourue à leur suite de tremblements - immédiatement identifiable sous tous les masques dont il s'affuble et à travers les multiples acrobaties auxquelles il se livre pour tenter de donner le change sur son angoisse : l'homme.
Est-ce ici pure coïncidence, est-ce apanage du génie ?
« Toujours est-il que l'aventure personnelle, vécue par certains êtres avec une extrême intensité, leur livre le pouvoir de traduire avec une lucidité et une force exceptionnelles l'aventure générale (de sens historique) avec laquelle elle entretient des rapports de concomitance. Entre la causalité universelle et la finalité humaine s'échange alors la plus longue étincelle.
« Reverdy le disait jadis : "La création est un mouvement de l'intérieur vers l'extérieur et non pas de l'extérieur sur la façade." Pour exprimer le déchirement du monde, il faut avoir connu tout le déchirement dans les limites de soi-même. Pour lui donner, par delà ce déchirement, des raisons d'espérer, il faut aussi, au prix qu'elle coûte, avoir quelque expérience intime de la résurrection.
C'est dans cette mesure que "l'homme" de Matta est, comme aucun autre, celui d'aujourd'hui... » André Breton (Paris, Galerie René Drouin, Matta (Préliminaires sur Matta par André Breton), 1947, s.p.)

« En 1937, j'étais architecte (lire : manœuvre, boulanger, paysan). Un parmi ceux venus des quatre coins du monde pour travailler chez Le Corbusier. L'architecte était alors une espèce peu consciente ; parmi nous on n'avait jamais prononcé le mot surréaliste, ni le nom d'André Breton. Je l'ai connu sans le savoir. Il m'a demandé à notre première rencontre d'illustrer un des Chants de Maldoror ; le nom de Lautréamont non plus n'avait jamais été dit. J'ai ouvert les yeux jusqu'à en perdre la vue.
« Je suis allé voir Breton qui a commencé à secouer mes fondations. Il m'a invité à venir chez lui le 31 décembre 1937, à neuf heures, soir de réveillon. Ce serait un dîner de fête, surréaliste, inquiétant et luxueux sinon mondain. L'entrée dans le vrai Paris de la poésie moderne, le Paris à scandale. J'étais alors comme beaucoup de gens encore aujourd'hui pour qui le mot "surréaliste" n'éveille qu'une vie d'insouciance mondaine, cynique, orgiaque : une révolution du goût.
« À neuf heures trente du soir, 42, rue Fontaine, une maison un peu délabrée - m'étais-je trompé d'adresse ? Derrière cette porte il n'y avait pas le bruit typique des réveillons. Un palier sombre, une rencontre dans un lieu commun. Je m'étais préparé à tremper pendant des heures et des heures au fond des jouissances.
« La porte s'ouvre sur un atelier presque sans lumière. Breton et sa femme Jacqueline sont face à un feu de bois. Il est dix heures, personne n'est arrivé.
« Nous parlons des objets abandonnés par des histoires d'hommes sur les plages du Marché aux Puces. Puis, il me parle d'histoires d'hommes, puis des plages, celles sauvages du Chili, puis du Marché, puis des Puces, et des puces en marchand des choses, de nos luttes à nous, à la lutte, qui, quand, quoi... des peuples inconnus, des masques comme des cicatrices inhumaines. Je me surpris à dire des choses dont je n'avais jamais parlé, comme si un attroupement se pressait en moi pour se manifester.
« Vers onze heures, les bruits du boulevard, des gens qui courent les boîtes et restaurants de Pigalle la veille du Nouvel An, ce bruit nous accompagnait comme une sangsue d'ameublement. À nous quatre, devant ce feu, s'accomplit le saut dans un espace et un temps différents de celui de la rue ; plus rue, sur rue. J'avais accédé à un autre déroulement du temps, j'avais quitté mes murs. Le monde se montrait tout à la fois tragique (ces hommes torturés en Espagne, en Allemagne, ailleurs, humiliés), et scandaleusement riant comme se révèle la réalité à l'instant de la création. La réalité de la vie devient à la fois Belle comme... Être à l'état de veille, une sur-veille.
« Nous étions, certes, quelques-uns, mais nous étions uniques et isolés. Le fait d'avoir dépassé le mode d'emploi banal me révéla ma vie antérieure : un cercle restreint où se consumait sans flammes, une suite d'instants sans but. Il fallait, au contraire, vivre à chaque instant, bombardé par la conscience de la vie, des autres, de leurs choses et de leurs vies, sortir de notre torpeur et du fond du creux protecteur, s'indigner, protester, créer, créer pour voir, "pour pouvoir".
« Je repris l'examen ininterrompu de cette nuit, comme point de vue, comme point de vie. Combattre en commun, mais aussi, combattre en soi-même, pour surprendre le réel, sur-prendre le fonctionnement de la pensée qui n'est pas cartésien mais symphonique, sur-prendre l'instant où se font les décisions, sur-dignifier l'homme, sur-combattre l'humiliation (je ne lèverai plus les yeux au plafond), sur-aimer la vie qui lutte, le sur-réel de l'homme éveillé. Le déroulement de ces forces qui s'éveillent pour la première fois, me révèlent toutes les nécessités révolutionnaires qui sont le lot du poète.
« Ce soir-là, Breton, avec son énorme amour pour tout, et avec sa fureur, me révéla la sous-réalité de ma vie "à pied", et m'enseigna les armes pour lutter afin que mon réel soit un sur-réel, plus humain, plus juste, plus beau.
« Partis de chez lui, tard cette nuit-là, ma femme et moi nous sommes allés à Montparnasse où nous avons dansé jusqu'au matin avec des gens qui paraissaient nous reconnaître, mais la danse, les autres, et le matin avaient maintenant un sens complice et violent.
« Je crois que cette qualité de révéler l'homme tragique et son humour en chacun de nous, ce déclenchement de liberté de soi, c'était le génie d'André Breton. Ce déclenchement de liberté et d'amour en nous, c'est le surréalisme - conscience de vivre la poétique révolutionnaire -, et je ne vois pas l'intérêt qu'il y a à dénigrer le mot surréalisme.
« Les gens qui se sont brouillés avec Breton, sont restés brouillés avec un aspect d'eux-mêmes.
« Breton dans ses fureurs contre l'auto-trahison de ses amis n'était que leur miroir. Pour construire une image de ce qu'est et de ce que donne l'artiste révolutionnaire, Breton a posé la première pierre. » Matta, 1967 (in G. Ferrari, Entretiens morphologiques, Notebook n° 1, 1936-1944, Londres, Sistan Limited, 1987, pp. 52-53).

« Ce qui constitue la richesse de Matta, c'est que, dès ses premières œuvres, il était en possession d'une gamme colorée entièrement nouvelle, peut-être la seule, en tout cas la plus fascinante qui ait été proposée depuis Matisse. Cette gamme, dont la gradation s'opère à partir d'un certain rose pourpre à transformation, déjà fameux, que Matta semble avoir découvert ("la surprise, l'ai-je entendu dire, éclatera comme un rubis fluorite à la lumière ultra-violette") s'ordonne selon un prisme complexe...
« Au terme actuel de son évolution, on a déjà pu voir Matta se montrer le plus exigeant qu'il puisse envers soi-même en ne se contentant pas des dons exceptionnels que lui a pourtant départis la nature. Nul n'est demeuré plus interrogeant, nul ne s'est montré plus jaloux de recueillir la substance vivante - hérissée de difficultés mais à projection autrement lointaine que les autres - d'œuvres comme celle d'Alfred Jarry, de Marcel Duchamp, nul n'a, d'un œil plus perçant, épié autour de lui le germe d'une beauté, d'une vérité ou d'une liberté nouvelle. "La mer avare, comme vous dites, m'écrivait-il. La forêt est pauvre aussi. Seul le hurlevent est plein de choses." Qu'on se souvienne de la genèse assignée à la "lumière astrale", à l'agent créateur : "le soleil est son père, la lune est sa mère, le vent l'a porté dans son ventre." La terre est seulement sa nourrice. » André Breton (Le surréalisme et la peinture, suivi de Genèse et perspective artistiques du surréalisme et de Fragments inédits, New York, Brentano's, 1945, p. 193-195)

Expositions


- Paris, Musée national d'art moderne/Centre Georges Pompidou, La Révolution surréaliste, 2002, rep.p. 320, p. 439
- Düsseldorf, K20 Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Surrealismus, 1919-1944, 2002, rep.p.332, p.460

Creation dateVers 1939
Date of publication 1939
LanguagesFrench
Physical description31 x 49 cm (12 1/4 x 19 1/4 in.) - Crayon, crayons de couleur, estompe sur papier
Copyright© ADAGP, Paris, 2005.
Breton Auction, 2003Lot 4047
Keywords,
CategoriesGraphics
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