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Description

Manuscript by André Breton dated 17 January 1957.

In Breton's personal astrology, January 1957 was a month placed under the sign of justice: as well as appearing as a witness in a case relating to the 'events' in Algeria, he intervened the same month in connection with the trial brought against Jean-Jacques Pauvert for having republished the works of Sade. Since December, together with Paulhan and Bataille, he had spoken out against this trial, which affected not only the very idea of cultural activity, but also a publisher and an author with whom Breton had close contact. His argument is simple, and he found it in Sade: readers are old enough to know what they are reading. [Atelier André Breton website, 2005]

Signed autograph manuscript, Paris, 17 January 1957.

1 page in-4° of a first draft text in blue ink, handwritten, dated, and signed by André Breton, with erasures and corrections, relating to the publication of the complete works of Sade by Jean-Jacques Pauvert and the lawsuit he is facing as publisher. Breton takes up his defence.

"The Marquis de Sade was careful to say (and this is a sentence that is often quoted): ‘I speak only to people who are capable of hearing me. These will read me without danger’. [...] 

"Culture as well as liberty being in my eyes one and indivisible, I testify in my soul and conscience, that, like no other, Jean-Jacques Pauvert fulfils his role today when he republishes Sade and contributes greatly to this country’s intellectual standing, as when he republishes Littré." [Sale Catalogue, 2003]

 

Transcription

« Le Marquis de Sade a pris soin de dire (et c'est une phrase bien souvent citée) : " Je ne parle qu'à des gens capables de m'entendre ; ceux-là me liront sans danger ". J'estime qu'on peut la prendre au pied de la lettre. Il ne parle, cela veut dire non seulement qu'il ne s'adresse qu'à, mais n'a de chance d'émouvoir, que des êtres qualifiés à quelque titre pour atteindre le contenu latent de ce qu'il dit. On sait, car ils ont tous tenu à en témoigner, que c'est le cas de grands poètes tels que Lamartine, Pétrus Borel, Baudelaire, Swinburne, Apollinaire ; d'écrivains qui ont le plus profondément fouillé l'âme humaine, tels Stendhal, Nietzsche, Barbey d'Aurevilly. Il est significatif aussi que les exégètes de l'oeuvre de Sade (qui ne saurait être abstraite de sa vie) aient été pour la plupart, des hommes de science.

Des médecins comme Eugène Düehren, comme Maurice Heine, y ont accordé une telle importance que ce sont eux qui ont pris l'initiative de publier ou republier ce qui en avait été longtemps perdu, ou en était devenu introuvable. Les ouvrages qui, sous leur responsabilité, ont été mis ou remis en circulation, ont été ceux dont le contenu manifeste provoquerait, sous l'angle de la morale courante, la plus grande réprobation. Ils ont estimé, pour des raisons supérieures, qu'ils devaient passer outre, persuadés à juste titre que ce contenu manifeste, pour ceux qui s'en tiendraient à lui, serait de nature à provoquer plutôt la répulsion que l'attraction, en tout cas par ses excès mêmes, rebuterait des amateurs de publications licencieuses (qui sont légions). Le prétendu " poison " comporte donc ici son antidote. Les charmes de l'horreur n'enivrent que les forts.

On peut, je crois, s'en tenir à l'opinion exprimée par Charles Henry, par la suite directeur du Laboratoire de physiologie des sensations à la Sorbonne. Dans sa brochure La Vérité sur le Marquis de Sade, publiée en 1887, Charles Henry cite Sade (NdE : rature : citant l'épigraphe derrière laquelle s'est retranché Sade) : 

         On n'est pas criminel pour faire la peinture

         des bizarres penchants qu'inspire la nature.

Il la commente ainsi : " Des adeptes de l'expérience en morale ne pouvaient conclure autrement. " Il y a donc déjà soixante-dix ans que, pour un esprit comme celui-ci, Sade prenait figure, non plus de monstre de souterrain dont il faut s'ingénier à effacer toute trace, mais bien de naturaliste dont la leçon ne doit, à aucun prix, être perdue. 

L'oeuvre de Sade se place ainsi dans sa vraie lumière, qui procède de celle de certains gnostiques, les Carpocratiens du second siècle de notre ère, et, dans une moindre mesure, des Cathares, mais la prolonge loin devant nous. 

Je sais - pour le connaître personnellement - que Jean-Jacques Pauvert, en éditant les ouvrages pour lesquels il est incriminé n'a obéi à d'autre mobile, que de vouloir se faire l'exécuteur de ce jugement porté sur Sade tant au XIXe qu'au XXe siècle par des esprits très différemment orientés, mais qui présentent en commun cette caractéristique d'être aussi éclairés qu'éclairants.  Pour le centenaire de Madame Bovary et des Fleurs du mal, je ne doute pas que le Tribunal voudra bien lui en tenir compte. La culture, comme la liberté, étant à mes yeux une et indivisible, je témoigne, en mon âme et conscience que, comme aucun autre, il remplit aujourd'hui son rôle et contribue grandement au rayonnement intellectuel de ce pays, quand il réédite Sad comme quand il édite Littré. 

Paris, 17 janvier 1957, 

André Breton »

Creation date17-janv.-57
Bibliographical material

MS - blue and red ink - 1 page in-4°

LanguagesFrench
Number of pages1 p.
Reference614000
Breton Auction, 2003Lot 2437
Keywords, ,
CategoriesManuscripts, Andre Breton's Manuscripts
Set[AB's Manuscripts] Miscellaneous Manuscripts
Permanent linkhttps://cms.andrebreton.fr/en/work/56600100702720